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Giap, le volcan sous la neige


Le général de corps d’armée Vo Nguyen Giap, le volcan sous la neige, est mort. C’était une légende. Fondateur et commandant de l’armée populaire du Vietnam. Il a battu les Français, les Américains, libéré le Cambodge et repoussé les Chinois. Devenu une icône de la libération nationale dans le monde, il était respecté et admiré de ceux qui furent ses adversaires. Dernière ruse. Il est mort à 102 ans, comme ça, il les a tous enterrés. Leclerc, de Lattre, Navarre, Westmorland, Mac Namara. Son Austerlitz à lui, c’est Diên Biên Phu. Désastreuse défaite du corps expéditionnaire d’un puissant pays face à l’armée d’une petite nation en construction. Et qui mit fin à la présence de la France en Asie. Fils d’un paysan lettré, d’éducation secondaire française, il fut professeur. Il parlait parfaitement notre langue, bien sûr. Et revient la question : et si on avait pu faire autrement ? Mettre fin à cet empire, à ce type de domination mais en construisant  autre chose avec des gens comme ça, comme la colonisation française en a fait émerger, et qui un temps furent français. Pour la France, la colonisation, c’était aussi l’apport de la civilisation. Telle que la France la voyait. Mais pour Giap, ce fut aussi sa femme morte sous la torture, sa sœur guillotinée. Cette drôle de façon que notre pays a eu de refuser l’inéluctable.

Le Vietnam est un vieux pays, mosaïque d’ethnies dominées par la plus importante, les Viets. Alors, le patriote Giap soucieux de faire émerger un État-nation territorial pour construire l’indépendance a été chercher valeurs et outils dans la culture française. Un territoire et un peuple. Mais aussi un État, fort pour faire tenir le tout. Les Français lui ont appris ça à Giap. Alors ce sera le Parti communiste. Parce qu’en matière d’État fort, celui-là… Ensuite, sur le plan militaire, il n’y avait qu’à se servir. Bonaparte bien sûr (plus que Napoléon), son idole. Et puis, la culture, l’universalisme, la révolution. Tout homme a deux patries, disait-on dans le temps. Giap n’en avait qu’une. Mais peut-être aussi une petite dette. Alors, de temps en temps il posait un petit caillou. Il prit élégamment la défense de Navarre traîné dans la boue après sa défaite de Diên Biên Phu. Il n’hésitait pas à dire, que « les soldats français c’était autre chose que les Américains ». On imagine les réactions à l’École Militaire. Il vint une fois à l’ambassade de France à Hanoï. Le 14 juillet 1989, pour le bicentenaire. L’ambassadeur le surprit, après avoir longuement parlé avec lui littérature française, en train de fredonner  pendant les hymnes, la Marseillaise qu’il connaissait par cour. Le 3 juillet  1984, Raoul Salan pauvre général fourvoyé de l’OAS, qui avait commandé en Indochine, s’éteignait oublié au Val-de-Grâce. Un diplomate de l’ambassade  de la République Populaire du Vietnam à Paris, sur ordre du Vice-premier Ministre Vo Nguyen Giap vint saluer la dépouille.  Peut-être un peu français aussi.



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