Les vacances de Pâques n’auront pas calmé le jeu… 15 jours après les accusations d’intégrisme liées à l’intervention –peut-être maladroite ?- d’Alliance Vita dans une classe de terminale du lycée catholique parisien, Gerson reste au cœur de l’actualité. Sur fond de polémique, de luttes intestines et d’enquête diocésaine, un climat explosif entoure l’établissement de la rue de la Pompe. Dans cette confusion générale faite de rumeurs autant de que de faits, c’est maintenant le prix de la cantine que dénoncent certains parents… Le procès en intégrisme, les liens supposés avec l’opus Dei, repris avec délices par la presse et la Mairie de Paris, n’arrangent pas les choses et mettent en lumière les limites de l’ouverture des écoles privées catholiques en matière de recrutement. Se pose alors la question de la motivation des parents d’élèves…
Il ne serait pas aberrant de penser que les parents d’élèves de l’enseignement catholique soient attachés au caractère religieux du projet pédagogique, à l’éclairage chrétien donné à la construction morale et humaine de leur progéniture… De là, pas aberrant non plus de considérer qu’un discours anti-avortement –en cohérence avec la position de l’église- puisse y être correctement toléré.
Pourtant, la réalité est souvent différente : dans l’école privée, souvent catholique, c’est le caractère privé qui est convoité. On y recherche l’excellence d’un enseignement qui ne se plie pas intégralement aux injonctions nationales, -dans le privé : travailler le soir est vivement conseillé, les rythmes scolaires sont appliqués selon leur pertinence, la grève est rare-, une implication du corps enseignant et une certaine idée de la discipline… Les parents qui font le choix du privé attendent que l’école prépare -mieux que celle de la république- leurs mouflets au baccalauréat puis aux études supérieures. Qu’elle leur apprenne le respect, parce que souvent ils n’ont plus envie de s’y coller, qu’elle développe leur esprit critique… mais surtout sans les abreuver de toutes ces niaiseries mystiques.
Cela aboutit à ces situations trop fréquentes où les parents, qui ont exposé à l’embauche leurs motivations hautement chrétiennes, passent leur temps à critiquer et à contrer les options pédagogiques et pastorales choisies et clairement affichées par l’école. A l’extrême, comme on le voit à Gerson, où ils entrent en rébellion avec la direction. Rappelons qu’en matière d’enseignement privé, la carte scolaire n’existe pas : les parents sont libres de choisir l’établissement de leur enfant en fonction de leurs motivations et de leurs moyens.
Le père de famille qui s’offusque aujourd’hui des tarifs de la cantine a-t-il découvert sa facture au mois de mai ? Peu probable… Sans doute souhaite-t-il, pour une raison qui lui est propre, donner un second souffle à la polémique qui agite l’école dont il aurait lui-même, par choix, fait son enfant « prisonnier » ?
Les écoles privées catholiques se doivent –tant par obligation légale que par conviction- d’être ouvertes aux familles non catholiques dans leur recrutement, mais doivent-elles, pour autant, renoncer au caractère propre de leur enseignement ? Dans le cas de Gerson, la représentation des parents, qui laissait autrefois une grande part aux parents plutôt laïcs, se serait récemment recentrée sur des familles plus soucieuses de pastorale. Ce recentrage sur le cœur de métier de l’établissement créerait une hostilité de la part des familles plus laïques.
Mais après tout pourquoi l’ouverture dont se réclame Gerson serait-elle synonyme de négation de sa vocation chrétienne ? Si les parents n’adhèrent pas au projet de l’école, libre à eux de tester d’autres établissements plus open. De même si le tarif ne leur convient pas… Dénonceriez-vous par voix de presse un coiffeur trop cher au motif que son voisin pratique des prix plus intéressants ? L’école de la république est laïque et gratuite.
L’affaire Gerson est emblématique d’un problème qui dépasse largement l’enseignement : d’une part elle incarne une fois encore cette polémique toujours vive autour de l’homme nouveau. Comprenez : celui qui n’est pas progressiste est forcément obscurantiste, donc dangereux. D’autre part elle est symptomatique d’une religion chrétienne coupable, qui accepte de se faire ridiculiser jusque dans ses chapelles.
*Photo: FABRICE ELSNER/20 MINUTES/SIPA. 00646460_000003
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