Les comparaisons sont une facilité, presque une paresse intellectuelle et politique.
On ne cesse de comparer Gérald Darmanin au Nicolas Sarkozy de la place Beauvau en n’étant pas loin de le créditer en 2027, du même destin présidentiel prestigieux. La double page que lui consacre Le Monde, « Petits calculs et grandes ambitions », participe avec éclat de cette illustration d’une personnalité dont on peut prévoir, qu’on l’aime ou non, qu’elle comptera encore longtemps. Gérald Darmanin ne se désintéresse pas à l’évidence de 2027 et il sait que dans son camp largement entendu il aura, le moment venu, Edouard Philippe et sans doute Bruno Le Maire comme concurrents.
Le plus politique des ministres du gouvernement Borne ?
Gérald Darmanin n’est pas Nicolas Sarkozy. Sans fausse modestie, il est le premier à le savoir et sa déférence pour l’ancien président n’est pas feinte. Plutôt que de relever des similitudes apparentes, il est pertinent de distinguer ce qui les sépare car les différences seront plus éclairantes.
D’abord, si tous les deux ont du talent avec le même défaut, celui de trop le savoir, il me semble, et ce n’est pas offensant, qu’il y avait en Nicolas Sarkozy une force de conviction, une argumentation puissante, un rapport aux citoyens plus impressionnants. Sans que Gérald Darmanin ait à rougir cependant de cette confrontation. D’autant plus que dans le gouvernement d’Elisabeth Borne, il est de loin celui qui parle le mieux la langue politique.
Incohérences
Gérald Darmanin n’est pas Nicolas Sarkozy. Il y a un élément capital qui les oppose. Le premier est devenu un transfuge en pleine ascension alors que le second a trahi son camp en fin de parcours quand selon lui les jeux étaient faits et qu’il convenait de châtier sa famille politique qui avait commencé à lui manifester une désaffection.
Cette différence est importante. Gérald Darmanin ne s’est pas contenté de déserter par pur opportunisme en spéculant sur Emmanuel Macron mais il a été conduit ainsi à troubler ceux qui l’avaient apprécié, précisément parce qu’à droite il avait su tenir une ligne dure et courageuse. Rejoignant le président du « en même temps », il a brouillé longtemps son image, préférant l’inconditionnalité à sa propre cohérence.
Un été et une rentrée frénétiques sur le plan sécuritaire
Il est directement mais partiellement impliqué dans la faillite régalienne du premier quinquennat. Il n’a véritablement retrouvé son authentique nature de rigueur et d’autorité – beaucoup, il est vrai, dans le volontarisme affiché, le verbe, les coups de menton et les tweets – qu’après sa responsabilité dans le fiasco du stade de France, la majorité relative à l’Assemblée nationale et le fait qu’il s’agissait du dernier quinquennat d’un président. Sans doute se dit-il dorénavant qu’il vaut mieux préparer le futur que révérer le présent.
Toujours est-il qu’il a été saisi d’une frénésie sur le plan de la sécurité et des réformes à mettre en œuvre comme s’il cherchait à compenser tant de retards et à apparaître comme l’homme fort dont la France aura besoin quand elle se décidera à suivre le Darmanin des débuts.
2027 déjà dans les esprits
On peut considérer que NS n’a pas tout réussi lors de ses deux mandats à Beauvau puis comme président, dans ces domaines, mais au moins a-t-il été tout au long fidèle à sa conception de l’autorité et de l’ordre. Il n’a jamais connu d’embardées comme Gérald Darmanin avant que le Macron émollient le lasse et l’incite à reprendre son ancienne casaque de fermeté.
Gérald Darmanin n’est pas Nicolas Sarkozy. Le premier ne peut pas accomplir tout ce qui lui plaît ni briguer tel ou tel poste à sa convenance. Il a essuyé des refus d’Emmanuel Macron et son activisme d’aujourd’hui – rodéos, reconduites, mineurs délinquants, prêcheurs de haine, étrangers violant nos lois, etc. – est parfois freiné par un président qui a besoin de lui mais s’en méfie et par une Première ministre qui ne l’aime guère. Quel contraste entre ces deux personnalités ! Il vibrionne quand elle réfléchit et calme.
Gérald Darmanin se heurte à un front qui ne lui permet pas de se croire totalement libre quand Nicolas Sarkozy, face à Dominique de Villepin et à Jacques Chirac, a fait comme s’ils n’existaient pas.
Alors, difficile de nier que Gérald Darmanin se déplace beaucoup, va partout où il considère que sa présence est nécessaire (ou qu’il l’imagine), son activité est inlassable, il occupe l’espace national, va à Mayotte puis revient, se prépare à des débats parlementaires de haute volée. Je ne peux pas ignorer qu’il y a dans cette frénésie et cette agitation productives beaucoup du Sarkozy d’hier. Mais cela ne suffit pas.
On doit d’ailleurs souhaiter à Gérald Darmanin d’être perçu le plus rapidement possible comme l’héritier de lui-même pour qu’au moins les Français soutiennent ou rejettent un être original et non une copie. Pour succéder à Emmanuel Macron, si je m’en tiens à ceux fidèles en surface mais pressés de le voir partir, je ne parierais pas forcément sur l’actuel et omniprésent ministre. Car il y a un Edouard Philippe qui trouve le moyen de faire de sa discrétion, par lieutenants interposés, une arme et un atout. Le flottement du second quinquennat vient du fait que 2027 est quasiment là.
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