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Georges Pompidou: un grand président qui manque plus que jamais

Comment expliquer pareille nostalgie ? Le billet politique de Philippe Bilger


Georges Pompidou: un grand président qui manque plus que jamais
Georges Pompidou avec son épouse, Claude, en 1965 © Wikimedia Commons

Le deuxième président de la Ve République, disparu il y a un demi-siècle jour pour jour, est sur toutes les lèvres ces derniers temps. Du président Macron aux ténors de la droite, tous s’en réclament. Son pragmatisme lucide et volontariste manque terriblement aux Français.


On parle tant de Charles de Gaulle pour tout et n’importe quoi, il est tellement invoqué pour faire croire qu’on pense et agit sans cesse dans son ombre illustre, qu’on en a oublié le formidable président de la République qu’a été Georges Pompidou de 1969 jusqu’à sa mort le 2 avril 1974. Dans un mandat malheureusement écourté. Il a été également un Premier ministre remarquable sous l’autorité du général de Gaulle du 14 avril 1962 au 10 juillet 1968. Rien que ce parcours le distingue d’Emmanuel Macron mais ce n’aurait pas été la seule raison qui, si je n’y avais pas résisté, m’aurait conduit à un titre provocateur du genre : « Emmanuel Macron, l’anti-Georges Pompidou »…

Enfermés dans un présent décevant

Alors que dans certains partis – LFI et LR par exemple – on cherche à placer quelques personnalités pour la joute présidentielle à venir, si aucune n’est médiocre, quel gouffre cependant entre hier et aujourd’hui ! Ce n’est pas notre nostalgie qui embellit l’époque révolue : cette dernière, parfois, avait de quoi se faire admirer. Georges Pompidou au premier chef !

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Pour ceux qui sont passionnés par l’histoire politique de notre pays, il y a des séquences le concernant qui font partie de notre mémoire collective. Elles relèvent de cette culture citoyenne sans laquelle, enfermés dans un présent décevant, nous ferions l’impasse sur un passé qui, avec une situation globale certes différente, nous avait offert un chef d’État admirable. Les rapports entre Charles de Gaulle et Georges Pompidou, passés de la confiance à la distance puis la méfiance, jusqu’à la subtile opposition de Pompidou, ont marqué les esprits. Mai 1968, sa résistance, le calme et l’habileté du Premier ministre. La honteuse affaire Markovic. La déclaration de Rome où il fait part de cette évidence qu’il sera candidat à la succession de de Gaulle après lequel, déclarera-t-il plus tard, il n’y aura plus que des présidents normaux.

Ne jugez jamais un documentaire à son titre

C’est l’une de ces relations mythiques et tellement évolutives qui ont structuré notre destin national. L’idée de ce billet m’est venue à la suite d’un reportage très réussi sur France 3, « Georges Pompidou, la cruauté du pouvoir », réalisé par Jean-Pierre Cottet, auquel a participé notamment l’historien Éric Roussel[1]. Ma seule réserve porte sur le titre qui semble transmettre une vision négative, voire masochiste du parcours politique de Georges Pompidou en omettant ce que celui-ci a eu d’exceptionnel. Au-delà des phrases célèbres qui lui sont prêtées (par exemple : « Mais arrêtez donc d’emmerder les Français ! »), les Français perçoivent aujourd’hui à quel point, sur le plan de la personnalité, de la culture, de la rigueur, de la constance, de la volonté et de l’orgueil de la fonction (sans le moindre narcissisme personnel), un précipice sépare ce président d’hier avec ceux d’après lui, surtout de l’actuel.

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Une vraie culture nourrie par les humanités et la poésie – pour lui, elle était indispensable à l’art de gouverner et à la compréhension des hommes -, une proximité sans vulgarité, une densité intellectuelle sans afféteries, un bon sens éloigné de tout snobisme, une rectitude ne se dissipant pas du jour au lendemain, au gré de vents démagogiques, une solidité fuyant les simagrées élyséennes festives ou incongrues, une pudeur publique n’affichant pas son amour privé, de l’allure et en même temps de l’accessibilité. Tout pour se faire mieux comprendre de la France et des Français, rien pour l’exposition vaniteuse de soi.

Un temps miraculeux

Est-ce à dire que Georges Pompidou a tout réussi ? Bien sûr que non. Il a été déçu par Jacques Chaban-Delmas et sa « nouvelle société » – il a déclaré avoir déjà trop à faire avec l’ancienne ! – et probablement affecté par la faible participation au référendum sur l’entrée de la Grande-Bretagne dans l’Europe. En tout cas, dans le temps si court de son mandat présidentiel amputé, il est parvenu à remplir les objectifs essentiels qu’il s’était assignés : surtout l’industrialisation de la France, le souci de son indépendance mais sans la moindre arrogance internationale.

Georges Pompidou m’apparaît comme une synthèse accomplie et presque miraculeuse, tant généralement l’un des termes de l’alternative est sacrifié, entre l’exigence de grandeur pour la France et la sollicitude jamais négligée pour le bonheur des Français. De Gaulle rêvait la France. Georges Pompidou la prenait telle qu’elle était et la réformait pour ce qu’elle avait d’imparfait. Sans billevesées ni incongruités. Avec un pragmatisme lucide et volontariste. Un Pompidou aujourd’hui nous aurait éclairés, conduits et rassurés.

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[1] https://www.france.tv/documentaires/societe/5784462-georges-pompidou-la-cruaute-du-pouvoir.html




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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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