Le poème du dimanche
Georges Perros (1923-1978) quitte en 1958 le Paris des lettres où il avait été comédien, lecteur pour Gallimard et collaborateur de la NRF. On connaît ses Papiers Collés, œuvre composée de fragments, de notes, de remarques qui sont aussi l’autoportrait d’un Héraclite finistérien qui a compris qu’on ne se baignait jamais deux fois dans le même fleuve. C’est aussi un Pascal bigouden qui sait que tout le malheur de l’homme est de ne pas savoir rester seul dans sa chambre. Perros, lui, sait: dans sa « mansarde » de Douarnenez comme il appelle son bureau où tout s’entasse, la radio branchée sur France Musique, il écrit encore et toujours.
Perros ne regrette rien, il a assez vécu comme ça. On peut lire ce renoncement dans La vie ordinaire, un poème-roman autobiographique en octosyllabes. C’est une poésie très élaborée et très simple à la fois, loin des officines formalistes, avec des mots de tous les jours et des gens à l’intérieur, la famille, les amis poètes, mais aussi les copains pêcheurs dans les bistrots. Perros y dit tout ou presque de cette existence avant ce repli sur soi qui semble, par les temps qui courent, la seule attitude un peu digne.
(extrait)
J’avance en âge mais vraiment
je recule en tout autre chose
et si l’enfance a pris du temps
à trouver place en moi je pense
voilà qui est fait et je suis
devenu susceptible au point
qu’on peut me faire pleurer rien
qu’en me prenant la main Je traîne
en moi ne sais quelle santé
plus prompte que la maladie
à me faire sentir la mort
Tout m’émeut comme si j’allais
disparaître dans le moment
Ce n’est pas toujours amusant.
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