Le poème du dimanche
A 101 ans, Georges-Emmanuel Clancier (1914-2018) publiait encore un livre, Le Temps d’apprendre à vivre, premier volume de ses mémoires. Sa longévité lui aura fait traverser un siècle pour le moins tourmenté qu’il aura exploré à la fois par le roman et la poésie. Né dans une famille d’ouvriers et d’artisans du Limousin, il connut la célébrité lorsque Le Pain noir, un cycle de quatre romans sur la vie et les luttes des paysans devenus ouvriers porcelainiers, fut adapté à la télévision par Serge Moati en 1974.
Il exerça tout au long de sa vie de multiples professions, à la manière des écrivains américains, mais son attachement à sa terre natale est toujours resté constant. Comme est resté constante son activité poétique. Atteint par la tuberculose, il ne fait pas la guerre de 40 mais entre dans la résistance et participe à la revue Fontaine créée par Max-Pol Fouchet. C’est peut-être son ami Guillevic qui définit le mieux sa poésie : « Sans gesticulation, sans déclamation, par sa poésie aussi douce qu’incisive, la poésie de Clancier travaille à l’adaptation de l’homme au monde : elle est essai de vivre, elle propose de vivre ».
Je parle pour des morts qui furent bergers
D’âpres vies mais porteurs de légende,
Dont les rêves traînaient des enfances légères,
Des miracles dans les labours émergeants,
Et dont les mains savaient tenir toute la terre
dans une pierre, un sein, une fougère.
Je parle pour une terre bleue très ancienne
Qui bat avec mon sang, qui teinte mon regard,
Ses collines ont lié sur mon cœur leur liane
Plus fort que les bras passagers de l’amour.
Je parle pour qui viendra demain jeune et dansant
Sur les chemins où mon ombre fut jeune
Et se penchera vers ces prairies et ces villages
Comme on se penche sur une femme pour l’amour.
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