George Zimmerman, agent de sécurité « amateur », accusé du meurtre, le 26 février 2012, de Trayvon Martin, un jeune noir de 17 ans, a été acquitté dans la soirée du 13 juillet par la Cour de Sanford en Floride. Ce procès qui a duré trois semaines a été retransmis en continu par la télévision. À l’annonce du verdict, des manifestations ont eu lieu qui ont dénoncé cette décision mais, apparemment, dans un calme relatif au point que les associations noires responsables se sont félicitées de cette modération. « Il y a eu de la colère mais elle s’exprime de manière réfléchie », selon François Durpaire un spécialiste des Etats-Unis (Le Monde).
On pouvait craindre le pire, notamment l’équivalent des émeutes raciales qui avaient marqué les esprits et les citoyens de cet immense pays. Si l’émotion a été vive – un million de tweets publiés, une fois la nouvelle connue -, les débordements extrêmes n’ont pas eu lieu, en grande partie parce que les parents de la jeune victime ont recommandé la non-violence, ainsi que la fille du pasteur Martin Luther King.
Le président Obama n’avait pas ménagé sa compassion en affirmant imprudemment que « s’il avait un fils, il ressemblerait à Trayvon Martin ». Confronté à l’acquittement de George Zimmerman, il a su proférer les paroles qui convenaient en appelant à l’apaisement et au respect de l’état de droit.
Le débat lui-même, réduit à l’essentiel, consistait à déterminer si l’accusé, comme il l’invoquait pour sa défense, avait agi en état de légitime défense.
Zimmerman, « qui patrouillait de son propre chef dans les rues paisibles de Sanford aurait interpellé celui qu’il suspectait d’être un délinquant sur le point de commettre un cambriolage et aurait été forcé d’abattre le jeune homme de 17 ans à bout portant, après avoir été violemment plaqué au sol » (Le Figaro).
Zimmerman était donc armé alors qu’il lui avait été conseillé de « s’abstenir de jouer les justiciers » (Le Monde) et que Trayvon Martin ne l’était pas. Il a été impossible d’identifier la voix qui appelait au secours, Zimmerman, blessé à la tête par ailleurs, affirmant qu’il s’agissait de la sienne. Il indiquait aussi avoir suivi la victime dans la rue parce qu’elle fumait de la marijuana.
Ces données ont nourri des audiences qui, au fil des jours, ont mis en évidence des problématiques de toutes sortes. Sur le port d’armes, sur les milices privées et leur place, sur le choix du procureur d’avoir poursuivi pour meurtre sans préméditation et sur le dernier point capital de la légitime défense.
Les représentants de l’accusation ont été, semble-t-il, inefficaces , n’ayant pas opté pour une qualification d’homicide involontaire qui aurait donné à leur démarche une meilleure assise.
Avec des procédures criminelles différentes, George Zimmerman, s’il avait été français, aurait pu comparaître devant une cour d’assises pour le crime de coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner. La légitime défense qu’il aurait alléguée aurait été discutée de la même manière et les circonstances de l’affaire examinées avec un soin et une vigilance identiques. Le hasard aurait pu composer le jury seulement de femmes comme en Floride.
Zimmerman aurait été acquitté ou non, on ne peut dire. Mais rien ne s’est produit en Floride qui n’aurait pu se dérouler à Paris.
Le procureur Bernie de la Rionda s’est déclaré déçu mais, respectant la décision du jury, il s’est en quelque sorte consolé en soutenant que leur grand système judiciaire, sans être parfait, était « le meilleur au monde ».
L’avocat de la famille Martin a prétendu que « si Trayvon Martin avait été blanc, cela aurait été une autre histoire ». « Si George Zimmerman avait été noir, il n’aurait jamais été accusé de ce crime » lui a rétorqué le conseil de Zimmerman (Le Figaro).
Ce qui me passionne dans cette comparaison entre nos deux pays est de pouvoir relever, sans forcer le trait, la même attitude médiatique, en France, à l’égard de cette tragédie américaine que celle qu’elle manifeste face à nos grands procès sensibles et contestés.
Alors qu’il a été rendu compte de ce qui se déroulait au cours de ces débats à Sanford avec la focalisation sur la légitime défense – serait-elle retenue ou non ? -, il a suffi qu’elle le soit et que Zimmerman soit acquitté pour qu’on oublie aussi vite ce qui était en discussion et qu’on prenne le parti, forcément, de la cause du jeune homme noir de 17 ans contre un jury de six femmes ayant délibéré – on a parlé d’une durée de 16 heures – avec une obligation d’unanimité (Le Monde).
Nous savons bien mieux en France ce qu’il convenait de décréter qu’elles, qui se sont contentées de suivre avec attention le procès durant trois semaines à Sanford !
George Zimmerman pourrait faire l’objet d’une vengeance. Payer de sa vie le fait que la justice américaine l’ait estimé en légitime défense le 26 février 2012. Certains le redoutent comme Robert, le frère de George (Le Figaro).
Si George Zimmerman avait été français, je n’ose penser au sort médiatique qui lui aurait été réservé. Il aurait été condamné avant l’heure.
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