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« L’agriculture s’est complètement affranchie de la nature »

Le biochimiste George Oxley constate l'épuisement des sols


« L’agriculture s’est complètement affranchie de la nature »
George Oxley est biologiste et biochimiste, spécialisé dans la vie des sols. Homme de terrain, il conseille les agriculteurs pour améliorer leur rentabilité et leur apporter des solutions naturelles en appliquant des techniques qui préservent les sols et garantissent une alimentation saine. ©Hannah Assouline

Biochimiste, George Oxley constate l’épuisement des sols. Au nom d’une quête effrénée du profit, l’agriculture intensive s’est détachée des écosystèmes au mépris des lois élémentaires de la biologie. Et de l’avenir de l’humanité. 


Causeur. Depuis l’après-guerre, un modèle productiviste domine l’agriculture. Il est caractérisé par la spécialisation croissante, la mécanisation, l’industrialisation, l’utilisation intensive de la chimie (engrais, pesticides, herbicides) et la manipulation de plus en plus poussée des espèces, notamment par la génétique. S’il a eu le mérite d’éradiquer la famine sur une grande partie de la planète, il est de plus en plus critiqué pour ses conséquences néfastes sur l’environnement, la santé, la biodiversité, et même pour sa contribution au réchauffement climatique.

George Oxley[tooltips content= »George Oxley est biologiste et biochimiste, spécialisé dans la vie des sols. Homme de terrain, il conseille les agriculteurs pour améliorer leur rentabilité et leur apporter des solutions naturelles en appliquant des techniques qui préservent les sols et garantissent une alimentation saine. »]1[/tooltips]. Tout cela est un conte de fées : l’homme n’est pas un super-héros qui a dompté la nature pour vaincre la famine et la disette ! Notre tort est d’avoir tourné le dos à la biologie et aux sols, autrement dit d’avoir voulu nous passer du vivant. Par exemple, avant 1940, les productions de viande et de céréales étaient intégrées, notamment parce que les bêtes étaient une source d’engrais. Ce modèle, inauguré à la fin du XVIIIe siècle a dominé en Occident pendant cent cinquante ans. Il a, excusez du peu, permis et soutenu la révolution industrielle, libéré l’agriculture de la main-d’œuvre, nourri travailleurs et citadins et fourni massivement des matières premières. Dès cette époque, l’agriculture s’inscrit dans une démarche scientifique et économique avec des revues de haut niveau, des formations, de la recherche et des innovations.

Nous avons dilapidé la richesse du sol hérité des générations précédentes

Qu’est-ce qui a changé et pourquoi ?

Une autre logique s’est imposée. On a décidé que l’engrais se résumait à trois éléments chimiques – azote, phosphate et potasse – et qu’on pouvait se débarrasser de tout le reste. Simultanément, on s’est mis à cultiver de manière intensive en labourant plus profondément avec des machines très puissantes. On a exploité le sol, cette couche essentielle et pas très épaisse qui forme le système digestif de la planète. Le raisonnement utilitaire qui a réduit l’engrais naturel à ces trois composantes a complètement négligé le fait que le sol était aussi fait de carbone et que les plantes en ont besoin ! Or, avec les nouvelles techniques, on a cessé de renouveler ce carbone. On s’est


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Mars 2019 - Causeur #66

Article extrait du Magazine Causeur




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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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