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Échange « géo-tracking » contre autorisation de sortie


Échange « géo-tracking » contre autorisation de sortie
Image d'illustration / Unsplash

Les Français sont-ils prêts à accepter la géolocalisation pour que le gouvernement desserre leur confinement drastique ?


Geo-tracking. Cet anglicisme est à la mode depuis quelques jours. Alors que nous sommes la plupart d’entre nous assignés à résidence dans les pays occidentaux, ceux qu’on appelait autrefois les Dragons d’Asie impressionnent par leur maîtrise de l’épidémie de Covid-19. Parmi les outils utilisés notamment par la Corée du Sud, Taiwan et Singapour, figurent une véritable maîtrise de leurs frontières, l’utilisation massive de tests et de masques, et enfin ce géo-tracking. Il permet aux autorités gouvernementales de suivre à la trace les porteurs du virus, grâce à leur téléphone portable, de connaître ceux qu’ils auraient pu rencontrer et donc contaminer. Et de pouvoir in fine, éviter de telles rencontres en confinant tous ceux qu’on a détectés comme porteurs, et seulement ceux-là. 

Le déconfinement sera un long chemin de croix

Chez nous, la maîtrise des frontières est assimilée aux « heures sombres » et, mis à part l’Allemagne, on a très peu testé, car on n’avait pas beaucoup de tests. Quant aux masques, on nous a d’abord expliqué qu’ils étaient inutiles au commun des mortels. Nous n’étions pas foutus de le mettre sur notre visage correctement. Maintenant, on nous incite à fabriquer chacun le nôtre grâce à des tutos sur internet. Et les États occidentaux se livrent à une guerre impitoyable et plutôt pathétique, en interceptant des commandes destinées à d’autres sur les tarmacs déserts de leurs aéroports. 

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S’agissant des frontières, tout de monde comprend désormais qu’un déconfinement ne pourra s’accompagner que d’un contrôle drastique pour éviter l’entrée de porteurs du virus venant de pays qui ont choisi une autre politique (Pays-Bas ou Suède, par exemple) que la nôtre. Notre gouvernement travaille également sur des tests les plus fiables possibles, notamment en sérologie, permettant de savoir qui est immunisé, qui est porteur, et qui est aucun des deux. 

François Sureau nous met en garde

Reste donc le géo-tracking, dont on a dit avec pertinence qu’il ne correspond guère aux valeurs occidentales. La vie privée est considérée chez nous comme un trésor, plus encore dans les pays latins, comme l’a montré encore il y a quelques semaines – même si ça nous paraît un siècle – la pathétique affaire Griveaux. L’idée que nous soyons ainsi géo-localisables par les autorités, voire sur un site internet public, si on est contaminé par un virus, ne nous est pas familière, loin s’en faut. Les amateurs de vaudeville pourraient certes s’en délecter : imaginons que la maréchaussée débarque chez vous au petit matin et explique devant conjoint et enfants que la personne avec laquelle vous avez passé l’après-midi deux jours plus tôt à l’Hôtel de la gare était porteuse du Covid-19. On dit d’ailleurs que beaucoup de couples n’ont pas survécu à ce genre de quiproquos du côté de Séoul. La crainte est légitime que de telles dispositions adoptées pendant cet état d’urgence sanitaire deviennent ensuite définitives dans la loi. François Sureau n’a pas tort de nous mettre en garde sur notre propension collective à abandonner nos libertés fondamentales au profit de la sécurité, en matière de lutte contre le terrorisme ou en matière sanitaire.

Pour autant, Eric Zemmour a-t-il tort quand il explique que le confinement actuel est une des plus grandes atteintes aux libertés fondamentales que nous ayons vécu depuis bien longtemps ? Soyons honnêtes. J’échangerais bien mon traçage contre une randonnée en forêt, cette géolocalisation permettant de garantir aux autorités que je ne rencontre personne. En écrivant cette dernière phrase, je me rends compte du côté flippant de la situation. Et pourtant, en y réfléchissant bien, je suis déjà tracé quand je pars en rando. Car j’utilise mon GPS et Monsieur Google sait à tout moment où je suis.  Pourquoi ferais-je davantage confiance à ce dernier qu’à un État dont j’élis régulièrement les représentants ? Quant à Facebook, qu’on me laisse témoigner une anecdote. L’autre jour, ma progéniture dansait devant un jeu vidéo s’intitulant « Just Dance ». J’étais à quelques mètres en train de surfer avec mon téléphone portable sur le réseau social créé par Zuckerberg. Et que croyez-vous qu’il arriva ? Alors que la télévision et le jeu vidéo ne sont nullement connectés sur internet chez moi, Facebook m’a proposé quelques heures plus tard des publicités sponsorisées pour la nouvelle version de « Just Dance ». Ce qui signifie très clairement que Facebook a perçu – grâce au son – que le jeu intéressait mon foyer. Ce qui signifie encore plus clairement, à moins que je ne verse dans la paranoïa, que Facebook nous écoute, comme nous ne l’accepterions pas de notre gouvernement, surtout si nous avons vu un jour “La vie des autres”. 

Les Français sont mûrs

Edouard Philippe a expliqué mercredi devant la mission parlementaire que le géo-tracking ne pourrait être utilisé dans notre pays, compte tenu de nos traditions rappelées plus haut, que sur la base du volontariat. Loin de moi l’idée de taxer Edouard Philippe d’un cynisme qui consisterait à privilégier l’idée que nous sommes collectivement mûrs pour accepter volontairement ce traçage. Il était sans doute sincère dans son souci de se montrer jaloux de nos libertés fondamentales. Il n’en reste pas moins que nous sommes sans doute collectivement mûrs, malgré tout.

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Même si je m’inclus dans ce collectif ainsi conditionné, par mes usages numériques quotidiens, cette situation m’inquiète. Si un débat doit avoir lieu pendant l’état d’urgence sur cet outil de géo-tracking, il devra impérativement faire l’objet d’une plus grande réflexion quand nous aurons éliminé Covid-19. Nos sociétés doivent vraiment se poser la question de notre souveraineté, collective et individuelle face aux GAFA. Nous devons impérativement nous interroger collectivement et individuellement sur notre consentement à la surveillance.

« Le jour d’après ne sera pas comme le jour d’avant », explique Emmanuel Macron. À propos d’une certaine idée des frontières, de la mondialisation, de la souveraineté, c’est vrai. Mais il faudra aussi ajouter la thématique de la surveillance numérique. Nous avons à l’évidence déjà trop consenti.

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