Le dernier film du maître américain, visible sur Arte, est une oeuvre majeure.
« Son âme se pâmait lentement tandis qu’il entendait la neige tomber, évanescente, à travers tout l’univers, et, telle la descente de leur fin dernière, évanescente, tomber sur tous les vivants et les morts. » James Joyce, « Les Morts ».
Gens de Dublin de John Huston est adapté d’une longue nouvelle, « The Dead », de l’immense écrivain Irlandais, James Joyce, et publié en 1914 dans le recueil, Gens de Dublin. C’est le dernier film de John Huston, tourné en 1987 quelques mois avant de mourir d’une pneumonie consécutive à son emphysème le 28 août 1987.
L’homme qui aimait la littérature
John Huston, grand cinéaste souvent mal compris et parfois considéré comme surfait, est pourtant l’un des plus grands metteurs en scène américains, auteur entre 1941 et 1987 de quarante deux longs-métrages. Il a adapté avec beaucoup de talent et de modestie plusieurs chefs-d’œuvres de la littérature de langue anglaise : Moby Dick de Herman Melville, L’Homme qui voulut être roi de Rudyard Kipling, Le Faucon Maltais de Dashiell Hammett, La Nuit de l’iguane de Tennessee Williams, Reflets dans un œil d’or de Carson McCullers, Le Malin de Flannery O’Connor, Au-dessous du volcan de Malcom Lowry, La Bible et Gens de Dublin… ainsi que la traduction anglaise d’un chef-d’œuvre de la littérature française, Les Racines du ciel de Romain Gary.
En portant à l’écran avec une grande fidélité cette nouvelle de James Joyce, John Huston nous conte une histoire minimaliste dont l’action se déroule sur une seule soirée. Une œuvre dépouillée mais intense, servie par la force de la mise en scène sobre et poignante du cinéaste, condensée en trois actes et en huis-clos : la soirée et le dîner dans la maison des demoiselles Morkan, un trajet dans un fiacre et une discussion entre Gretta et Gabriel Conroy (interprétés par Angelica Huston et Donal McCann), le couple principal du film, dans leur chambre d’hôtel à Dublin. Dehors le sol est recouvert d’un épais manteau blanc, la neige tombe et il fait froid. Les demoiselles reçoivent leur cercle d’amis : leur neveu Gabriel Conroy et son épouse Gretta, trois élèves de Mary Jane, le chanteur ténor Bartell D’Arcy, la vieille Mrs Malins et son fils Freddy, alcoolisé comme bien souvent.
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La soirée s’écoule dans la douceur et la sérénité, tous dansent, dégustent l’excellente oie rôtie et le traditionnel pudding, certains jouent du piano, d’autres récitent des poèmes en langue gaélique. Les convives parlent de théâtre, de politique, de l’avenir de l’Irlande et évoquent les chers disparus de l’année, célèbres ou inconnus. Les passions semblent retenues, feutrées et vont affleurer au moment où les invités commencent à partir.
Blessures secrètes
Soudainement, alors qu’elle commence à descendre l’escalier menant à la sortie, Gretta entend le ténor Bartell d’Arcy (Frank Patterson) chanter la ballade, « La Fille d’Aughrim ». Elle se fige, envahie par une immense mélancolie. Le chemin du retour vers l’hôtel avec son époux Gabriel et leur discussion dans la chambre d’hôtel nous révèle une blessure d’amour secrète. Le film comme la nouvelle sont une épiphanie de la condition humaine. Marqué par le déroulement de la soirée, la musique, les chants, les poèmes lus, les propos échangés et surtout très troublé par la récit du premier amour de jeunesse que lui révèle son épouse Gretta, Gabriel Conroy acquiert une conscience soudaine et lumineuse de la nature profonde de l’âme humaine, de l’indicible passage des êtres humains sur la terre.
Se souvenir des vivants et des morts
Hommage vibrant aux vivants et aux morts qui peuplent cette terre, The Dead (Gens de Dublin) est le chef-d’œuvre testamentaire de John Huston, un film modeste, subtil et d’une folle élégance. Servi par une pléiade de comédiens talentueux et justes, par la lumière chaude du chef-opérateur Fred Murphy, la musique mélancolique d’Alex North et la beauté du chant du ténor irlandais de renommée internationale, Frank Patterson, ce film est assurément un sommet de l’art cinématographique mondial.
Gens de Dublin un film de John Huston,
États-Unis – 1987 – 1h23 – V.O.S.T.F.
Interprétation: Anjelica Huston, Donal Mc Cann, Dan O’Herlihy, Helenan Caroll, Cathleen Delany, Ingrid Craigie, Frank Patterson Marie, Kean, Sean McClory….
Sur sur Arte.TV ou en DVD aux Éditions Elephant Films
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