Enquête sur cette génération Z qui soutient Zemmour, et rit à se tordre quand ce dernier fait un doigt d’honneur à une militante « antifa » à Marseille.
Avec une vidéo publiée mardi dernier sur sa chaîne YouTube, c’est sur un média particulièrement adapté aux jeunes qu’Eric Zemmour a fait le choix d’annoncer sa candidature à la présidentielle. « Continuer la France » et « transmettre le flambeau aux prochaines générations », c’est ce qu’Éric Zemmour promet à la « Génération Z ». De quoi ravir son bataillon de 5500 jeunes…
C’était l’occasion pour nous d’en contacter certains, afin de tenter de comprendre fondamentalement ce qui, chez le « Z », les poussent à s’en aller fièrement à la riflette politique. Qui sont-ils ? Qu’étudient-ils ? Le voient-ils comme un homme providentiel ? Pourquoi suivent-ils Éric Zemmour plutôt que Marine Le Pen ou un candidat LR ?
Nous avons posé ces questions à cinq membres actifs du mouvement. L’auteur de ces lignes ne s’attendait pas forcément à ce que ce soit « avec grand plaisir » qu’ils acceptent de se prononcer sur les raisons de leur engagement.
« Ma famille vote traditionnellement à droite »
Sur les cinq militants interrogés, quatre d’entre eux étudient le droit. Coïncidence ? Ou est-ce la preuve que les juristes ont une affection particulière pour l’ordre ?
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C’est notamment le cas de leur jeune président de 22 ans, Stanislas Rigault, qui me confie faire des études juridiques à l’ICES. Impossible cependant, d’affirmer que le microcosme des études juridiques tend à créer des esprits « radicaux »…
Traditionnellement, leurs familles respectives votent à droite m’apprennent Wandrille de Guerpel, 20 ans, responsable Yvelines de Génération Z et étudiant en deuxième année de droit à la FACO Paris, et Eléonore Lhéritier, 34 ans, quant à elle responsable de la communication de Génération Z et de la mobilisation sur les réseaux sociaux. Rien de bien nouveau : la transmission du capital culturel et ses effets…
Mais il n’est règle sans exception : si l’entourage de Samy Khalef (nom et prénom modifiés à sa demande pour des raisons de sécurité), 22 ans, originaire d’Algérie et étudiant en droit à La Sorbonne, est politiquement « assez divers », cela ne l’empêche pas pour autant d’être militant dans le mouvement. « À l’exemple de la famille de notre candidat, j’aspire à mon tour à réussir mon assimilation à la société française » confie-t-il. « Pour avoir grandi à l’étranger en ayant reçu une éducation francophone et francophile », Samy Khalef révèle être « à l’origine sympathisant de gauche, car vu de l’étranger c’est plus attrayant ». Il m’assure que c’est une fois sur le sol français et libéré du « filtre des grands médias dominants » qu’il a eu une prise de conscience : « les maghrébins qui comme moi aspirent à s’émanciper des archaïsmes d’une culture conservatrice rigide (…) voient justement dans la France de Zemmour, résolument ferme sur la laïcité et l’ordre républicain, une “protection“ contre un islamisme qu’ils ont subi au quotidien ».
« On ne veut plus de ces gens-là ! »
Toujours adhérent chez les Républicains, Wandrille de Guerpel s’est engagé à l’échelle locale en participant aux élections municipales dans sa commune du Chesnay-Rocquencourt (78). Grégoire de F. (nom et prénoms également modifiés), étudiant en droit à l’université Paris II Panthéon-Assas et aujourd’hui militant GZ à Paris, me confie également qu’« avant cet engagement pour Zemmour, [il a] eu quelques responsabilités lors de la primaire de la droite pour le candidat Sarkozy ». Partant, des interrogations s’impatronisent d’elles-mêmes : pourquoi, déjà encartés, en sont-ils venus à tourner le dos à l’offre politique des LR, et ouvrir grands les bras à un outsider ? Pour Wandrille de Guerpel, c’est la « macron-compatibilité » de Pécresse qui l’empêche de lui accorder son vote ; pour Grégoire de F., c’est la logique électoraliste et politicienne, absente chez Zemmour selon lui, qui le différencie des candidats traditionnels. Et Marine le Pen, alors ? Si Samy Khalef reconnait que le Rassemblement national « a été le premier à dénoncer les méfaits d’une immigration de masse en France », Éléonore Lhéritier me répond en reprochant à la candidate RN d’être « dans le politiquement correct, dans la politicaillerie, comme toute la classe politique ». « On ne veut plus de ces gens-là ! » ajoute-t-elle. Eric Zemmour le disait lui-même face à Ruquier et Salamé : « la politique ne m’a jamais nourri ».
La question de l’insécurité ressort assez systématiquement dans ces témoignages de jeunes. La responsable de la communication de Génération Z interroge : « Qui d’autre que Zemmour propose des mesures suffisamment fortes pour protéger enfin les Français ? Qui d’autre que Zemmour aura le courage de les appliquer ? » Éric Zemmour le dit avec gravité dans sa déclaration de candidature : il ne s’agit plus de réformer la France, mais de la sauver. Pas étonnant dès lors qu’il entraîne des jeunes dans son sillage. Comme le disait Camus recevant le prix Nobel de littérature en 1957 : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse… ». Eric Zemmour est-il alors pour eux l’homme providentiel, sa déclaration de candidature du 30 novembre rappelant d’ailleurs l’appel du 18 juin ?
«La jeunesse n’a pas d’illusions» (Camus) [1]
Indépendamment de ses idées politiques, le journaliste et écrivain peut-il devenir un homme d’État ? Prenant l’exemple de Robert Ménard, Wandrille de Guerpel défend « le passage de journaliste à politique ». Il ne serait pas le premier à illustrer la porosité de la frontière entre ces deux mondes. Renaud Czarnes est passé du journalisme politique au cabinet du Premier ministre Jean-Marc Ayrault en 2012. Jean-Marc Plantade a, lui aussi, franchi la lisière en abandonnant Le Parisien pour la communication de Christine Lagarde en 2007, alors ministre des Finances. Idem, encore avant, pour Serge Moati. « Impossible n’est pas français », n’est-ce pas ?
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Celui pour qui « la France n’a pas dit son dernier mot » enivre tous ces jeunes. C’est indéniable. Il suffisait de voir la foule à Villepinte le 5 décembre, lors de son premier rassemblement, s’égosiller à la fin de chaque phrase prononcée par son candidat. Lorsque je lui ai demandé s’il voyait en Zemmour un homme providentiel, Stanislas Rigault se déclare quand même « mitigé » sur ce point. Sur la même longueur d’onde, Wandrille de Guerpel admet toutefois voir en lui le seul homme capable de remettre la France sur les rails. Louant sa « sincérité », sa « cohérence » et sa « constance », Stanislas Rigault et Samy Khalef laissent entendre que ce sont peut-être ces traits-là qui font la différence dans l’esprit des jeunes.
Ces jeunes zemmouriens sont des « révoltés », qui espèrent la fin d’une inanité politique leur semblant sempiternelle. Haut les cœurs ! et à bas la froussardise et l’autosuffisance de ceux qui se cachent lorsqu’il s’agit de faire autre chose que déconstruire. Si les jeunes n’ont pas d’illusions, ils ont, pour sûr, un idéal : s’en aller avec panache à la Reconquête ! de leur pays…
[1] dans la nouvelle « Le vent à Djemila », Noces.