La démission du président et animateur vedette Andrew Neil menace un peu plus la survie de la chaîne conservatrice britannique, dont les audiences peinent à décoller.
Andrew Neil, le président et présentateur vedette de la nouvelle chaîne d’info de droite, GB News, vient de démissionner de son poste à la suite d’une rupture acrimonieuse avec la haute direction et le conseil d’administration. Neil avait été rédacteur en chef du Sunday Times et, en 1988, président fondateur de la chaîne Sky TV de Rupert Murdoch, avant de devenir le doyen des journalistes politiques de la BBC. Il reste président de la revue hebdomadaire, The Spectator. Le rôle central joué par Neil dans le projet GB News a contribué à convaincre d’autres journalistes respectés à s’y impliquer.
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Fier d’être britannique
Le 13 juin 2021, lors du lancement de la nouvelle chaîne, Neil avait récité devant les caméras un monologue qui a commencé par les paroles : « Nous sommes fiers d’être britanniques… » GB News s’était donné pour objectif de s’imposer en bousculant le paysage audiovisuel britannique, accusé de conformisme, par l’expression d’opinions bien tranchées un peu dans le style de la chaîne américaine conservatrice Fox News. GB News s’est présentée comme une alternative à la BBC, devenue la cible de nombreuses critiques de la part de politiciens et du public pour sa ligne progressiste et élitiste. La nouvelle chaîne d’Andrew Neil prétendait couvrir des questions négligées par d’autres médias plus soucieux de plaire à la population de la métropole londonienne qu’à celle du reste du pays. Malgré des problèmes techniques initiaux, les premiers chiffres de la chaîne étaient respectables, mais, après quelques semaines, l’audience a commencé à baisser.
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C’est afin d’attirer de nouveaux téléspectateurs que, le 20 juin, GB News a embauché comme animateur Nigel Farage, l’ancien chef des partis anti-européens, UKIP et le Brexit Party. Présentant une émission hebdomadaire le dimanche, Farage a rejoint d’autres anciens de ces deux partis, comme Alex Phillips, une ex-eurodéputée, et Michelle Dewberry, une ancienne candidate aux élections générales. Très vite, la nouvelle chaîne commence à se focaliser sur les thèmes récurrents de l’immigration et la politique sanitaire contre le coronavirus. La dérive droitière se confirme quand, le 17 juillet, l’émission de Nigel Farage passe à un rythme quotidien. Très peu de temps d’antenne est accordé à des invités représentant la gauche. Après une campagne sur les médias sociaux lancée par un groupe de pression de gauche, Stop Funding Hate (« Cessez de financer la haine »), un certain nombre d’annonceurs, dont IKEA et la brasserie Grolsch, ont mis fin à leurs relations commerciales avec GB News.
N’est pas CNews qui veut…
Épuisé par les bugs techniques et visiblement mal à l’aise face à la direction que prenait la nouvelle chaîne, Neil est parti en vacances après seulement deux semaines d’émissions, vacances qui se sont prolongés pendant tout l’été. Une autre pomme de discorde aurait été le désir de Neil de présenter des émissions depuis le sud de la France où il possède une maison.
Il est cependant clair que le différend principal entre Neil et le PDG de la chaîne, Angelos Frangopoulos, concerne la vision de GB News, ce dernier étant en faveur d’une Fox-isation totale. Personne n’est donc vraiment surpris quand, enfin, le 13 septembre, Neil annonce sa démission. Initialement, les relations semblent cordiales entre lui et son ancien employeur, Neil devant rester comme intervenant occasionnel dans l’émission de Farage, mais la semaine dernière tout a changé, Neil annonçant avec fracas qu’il ne mettrait jamais plus les pieds chez GB News. La chaîne continue de lutter pour attirer les téléspectateurs. Avec un paysage dominé encore par le duopole de la BBC et Sky News, la Grande Bretagne, à la différence de la France, ne semble pas prête pour plus de deux chaînes d’information.
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