De fortes pluies dans la bande de Gaza ont produit des inondations dévastatrices ces derniers jours. Les Palestiniens tentent de faire face, mais l’enclave est démunie, et certains accusent Israël de “noyer” Gaza. L’État hébreu affirme de son côté qu’il n’existe pas de barrage côté israélien permettant de jouer sur le débit de l’eau. L’analyse de Liliane Messika
La Bande de Gaza suscite un intérêt obsessionnel de la part de la planète Islamogauchix et de son satellite Media-à-Idéfix. Mais tout n’est pas bon à dire. Surtout ce qui va bien.
Un article de RFI du 19 janvier [1] évoque les inondations à Gaza. Ces catastrophes naturelles accablent tout le Moyen-Orient, mais RFI ne croit pas qu’il s’agit seulement d’un phénomène météo. En tout cas à Gaza. La chaîne française, porte-parole du Quai d’Orsay, a trouvé un témoin qui l’explique par la reductio ad Israelum. C’est Mohamed Bakri, le président du comité agricole de Gaza : « Je ne dis pas qu’Israël fait exprès de noyer Gaza. Mais Israël a construit plusieurs barrages en amont, qui bloquent l’écoulement naturel des rivières qui traversent Gaza. Et à chaque fois qu’il y a de fortes précipitations, les Israéliens ouvrent les vannes de leurs barrages pour évacuer leur surplus d’eau, et c’est le déluge ici, ça provoque aussi l’érosion de nos terres agricoles ».
Une fake news?
Sauf que cette histoire de barrages est une fake news de chez fake news : il n’existe aucun barrage côté israélien. C’est si facile à vérifier que l’AFP, notre Pravda nationale, était allée sur le terrain en 2015 et avait publié une vidéo qui le démontrait sans ambiguïté [2].
RFI se sent donc obligé de le mentionner, en avant-dernière ligne : « Mais selon les autorités de l’État hébreu, il n’existe aucun barrage côté israélien, permettant de jouer sur le débit de l’eau ». Le « Mais selon les autorités de l’État hébreu » est-il le clin d’œil de connivence aux lecteurs, destiné à décrédibiliser tout ce qui peut être proféré par l’entité sioniste ?
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RFI aurait pu, mais n’a point voulu, citer l’un des nombreux articles du journaliste arabe israélien Khaled Abu Toameh. Le 18 janvier 2022, il avait interviewé Majdi al-Saleh, ministre des collectivités locales de l’Autorité Palestinienne (celle de Mahmoud Abbas, élu pour quatre ans en 2005 et toujours en exercice faute d’avoir organisé des élections depuis cette date). « Le gouvernement de facto doit financer les municipalités et leurs projets au lieu de dépenser l’argent par d’autres voies, qui sont souvent souterraines [3] », a déclaré l’officiel cisjordanien.
Le « gouvernement de facto », c’est le Hamas (acronyme de « Mouvement de résistance islamique »), qui a pris le pouvoir à Gaza par un coup d’État contre l’AP en 2007. Les « autres voies souterraines », ce sont les tunnels de contrebande en direction d’Israël et de l’Égypte, qui ont permis à 1700 dirigeants du Hamas de devenir millionnaires [4] grâce aux taxes qu’ils prélèvent sur tout ce qui y transite.
Omerta sur les bonnes nouvelles
Pour apprendre que l’industrie textile est florissante à Gaza, il faut lire Euronews, chaîne d’info pan-européenne multilingue détenue à 88% par Media Globe Networks, propriété de l’homme d’affaires égyptien Naguib Sawiris [5]. Égyptien comme « limitrophe de la Bande de Gaza ». Rappelons, en effet, que Gaza a deux frontières terrestres, l’une avec Israël et l’autre avec l’Égypte. Si les médias hexagonaux parlent DU blocus de Gaza, c’est parce qu’ils veulent faire oublier qu’il y a deux blocus, car le terrorisme s’exporte, par ces tunnels, vers deux États-cibles.
La chaîne d’info a ainsi moins de pudeurs virginales que ses homologues françaises, aussi n’hésite-t-elle pas à écrire des choses imprononçables sur RFI : « Ces jours-ci, les emplois dans le domaine du textile sont plus nombreux, depuis que les entreprises israéliennes peuvent s’installer dans la bande de Gaza. » Et d’expliquer que cette industrie a connu un âge d’or, dans les années 1990 : « 900 ateliers de la bande de Gaza fournissaient des vêtements à Israël et à la Cisjordanie et, surtout, du travail à plus de 35 000 ouvriers gazaouis. Mais depuis le blocus imposé sur le territoire à partir de 2007, cette industrie était totalement paralysée. (…) Quand Israël a accordé des visas de travail aux Gazaouis à l’été 2021, ils étaient plusieurs milliers à candidater au précieux sésame, comme Tamer Al Jamal, jeune diplômé d’université : “Nous sommes très heureux de cette opportunité d’obtenir un emploi en Israël et nous parlons entre nous avec une grande joie de la possibilité de restaurer une vie normale dans tout le pays [6].” »
Là aussi, une explication de texte s’impose : « l’âge d’or » des années 1990 correspond à la période où Israël occupait encore Gaza. En 2005 Ariel Sharon, bête noire des antisionistes viscéraux et Premier ministre israélien, a évacué tous les Juifs, civils et militaires.
Le « blocus imposé depuis 2007 » est intervenu en réponse à la décision officialisée du Hamas de consacrer tous ses moyens à transformer la Bande en base de lancement de missiles contre l’État juif. Sa charte est claire : « Le mouvement de résistance islamique est l’un des épisodes menés contre l’invasion sioniste. (…) L’apôtre de Dieu (bénédiction et salut soient sur lui) a dit : “L’heure suprême ne se dressera pas avant que les musulmans aient combattu les juifs (c’est-à-dire que les musulmans ne les aient tués), avant que tous les Juifs ne se soient cachés derrière les pierres et les arbres et que les pierres et les arbres eussent dit : ‘Ô musulman serviteur de Dieu, un Juif se cache derrière moi, viens et tue-le’. Seul Al Gharquad gardera le silence car il fait partie des arbres des Juifs.” (Hadith rapporté par Al-Bukhâri et par Muslim) [7].»
Cet article de sa charte n’est pas pour rien dans le soutien inconditionnel des antisionistes au Hamas. Pour intersectionnaliser leur lutte, les antisionistes s’amalgament avec tous les groupuscules victimaires, de droite, de gauche et des galaxies environnantes, qui n’ont en commun que la haine de l’État juif. Ils constituent une manne pour la plupart des médias français, lesquels éprouvent donc une réticence bien compréhensible à publier des informations concernant Gaza, s’ils ne peuvent pas en accuser Israël.
D’où le succès des barrages imaginaires et le silence sur les Gazaouis heureux de nourrir leur famille sans avoir à passer par la case ceinture d’explosifs.
[2] Vidéo AFP : https://www.youtube.com/watch?v=v4mT9VhjMkk
[3] https://www.jpost.com/middle-east/article-693860
[4] https://fr.businessam.be/1-700-millionnaires-du-hamas-vivent-a-gaza-exp-204113
[5] https://fr.wikipedia.org/wiki/Euronews
[7] https://www.senat.fr/rap/r08-630/r08-630-annexe2.pdf – chapitre premier, article septième.
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