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Gaza : le solo d’Obama


Gaza : le solo d’Obama
Barack Obama. Photo Flickr / Nicole Caulfield
Barack Obama
Barack Obama. Photo Flickr / Nicole Caulfield

Obama est-il soluble dans les eaux de la Méditerranée ? La question est justifiée si l’on s’arrête un instant sur le silence embarrassé de la Maison Blanche après l’affaire de la flottille. Le président américain a soigneusement veillé à ne pas joindre sa voix à l’euphonie de critiques consécutives à l’abordage discutable du Mavi Marmara. Sagement, il a préféré faire part de son « inquiétude » pour la région en qualifiant d' »intenable » l’actuel statu quo proche-oriental. Une attitude volontairement mesurée qui a sans doute mis un peu de baume au cœur de Benjamin Netanyahu passablement écorché, y compris par les coups de dagues de nombre de démocraties internationales prises d’une soudaine compassion pour le Hamas pourtant à leur ban.

Le grand allié d’Israël semble le rester

Cette retenue américaine a suscité une levée massive de sourcils, notamment dans les milieux bien-pensants, c’est-à-dire critiques d’Israël, qui vont bientôt afficher complet. Un an après le fameux discours de la « main tendue » de M. Obama aux musulmans, le monde arabe a également vu d’un mauvais œil cette attitude conciliante du président américain à l’égard d’Israël. D’autant qu’elle a eu pour conséquence immédiate de permettre au Premier ministre israélien d’imposer son idée d’une commission juridique chargée d’enquêter sur l’assaut du 31 mai et composée – au grand dam du reste de la planète – de juristes israéliens et d’experts étrangers, en particuliers américains. Certes, le doute sur « l’objectivité » de cette commission, soulevé tous azimuts, est autorisé, et la seule présence d’Israéliens en son sein apporte en quantité de l’eau aux moulins des démocrates bon teint. À propos de bon teint, c’est vrai qu’y faire siéger le toujours hâlé Roland Dumas aurait probablement apaisé les sceptiques habituels, et aurait conféré aux enquêteurs un gage certain d’impartialité … D’autant qu’en matière de bateaux et de navigation en eaux troubles, il peut en remontrer à plus d’un. Mais pourquoi s’arrêter à M. Dumas ? N’oublions pas le bon juge Goldstone ! Lui aussi aurait sa place au sein d’une commission anti-sceptiques, c’est-à-dire noyautée par des Iraniens, des Pakistanais et des Cubains qui se livrerait, comme pour l’enquête autour de la guerre à Gaza, à une réflexion empreinte de neutralité! Et ne rejetons pas trop vite le nouveau héros des pays du sud, Recep Tayyip Erdogan, dont l’objectivité n’est plus à démontrer, surtout à l’endroit de ceux qui se risquent à évoquer en Turquie le génocide arménien et sont de plus en plus nombreux à croupir dans ses prisons. En parlant d’objectivité, il serait salutaire de rappeler ici que des commissions d’enquêtes en Israël ont dans le passé fait tomber des têtes, notamment la commission Agranat (Guerre d’Octobre 1973), Kahane (Guerre du Liban 1982-85) et Vinograd (2e Guerre du Liban juillet-août 2006). Un détail d’importance lorsque l’on sait que Netanyahu, son ministre de la Défense Ehud Barak et le chef d’état-major Gaby Ashkenazi pourraient être appelés à comparaître.

Il semble donc que le souhait américain en faveur d’une « participation internationale » soit exaucé puisque les Israéliens ont accepté le principe d' »observateurs étrangers » parmi les membres d’une commission d’enquête. Pour Washington, et contrairement à la plupart des capitales européennes et à l’encontre des Nations unies, les institutions démocratiques israéliennes sont capables de traiter le dossier de façon crédible, de déterminer les responsabilités, et de sanctionner objectivement les fauteurs.

Le grand allié américain d’Israël semble donc le rester. De même qu’il entend bien restaurer son rôle d’« honest broker », une fonction dont les contours s’étaient dangereusement estompés durant les deux mandats de la précédente administration.

Qu’est-ce à dire ? Obama est-il finalement bon pour les juifs ? Pour Israël ? Rassurons tout de suite les plus inquiets. La réponse est oui. Pour l’instant.

La ligne anti-colonisation constante à Washington – Bush excepté

Rappelons-le. Le président américain a d’ores et déjà prouvé qu’il n’avait pas sa langue dans la poche concernant Israël et sa politique de colonisation. Mais à part son prédécesseur, George W. Bush, rares ont été les occupants de la Maison Blanche à mâcher leurs mots dès lors qu’il s’agissait de l’expansion de la présence israélienne dans les territoires palestiniens. Ce qui a fait dire, peut-être un peu vite, que les relations entre Israël et les Etats-Unis n’étaient plus au beau fixe. Obama ne fait pas exception et sa politique s’inscrit parfaitement dans la ligne anti-colonisation déjà tracée par Richard Nixon après la Guerre des Six Jours et l’occupation de la Cisjordanie, de la bande de Gaza et de Jérusalem-est. Et cela tranche incontestablement avec son peu de virulence à propos de l’assaut israélien de la flottille. On ne peut se poser en critique d’Israël à toute heure, sous peine de perdre en crédibilité, et il est bon de ménager parfois ses interlocuteurs. Surtout lorsqu’on s’apprête à accueillir à la Maison Blanche Mahmoud Abbas dans le but d’aborder la question délicate des négociations indirectes dites de « proximité », encore dénuées de résultats concrets. A la fin du mois, ce sera au tour de Benjamin Netanyahu d’être accueilli à la Maison Blanche, une visite prévue fin mai mais qui avait été brutalement reportée en raison des vagues soulevées par la flottille.

Non au nucléaire iranien

Autre sujet potentiellement explosif : le nucléaire iranien. À observer l’attitude de Barack Obama sur ce dossier, si l’on peut percevoir quelques atermoiements et un certain flou autour d’une éventuelle opération militaire contre Téhéran, il n’en reste pas moins que l’idée force prônée par l’administration est d’empêcher l’Iran d’accéder à une capacité nucléaire militaire. Une approche qui, dans ses grandes lignes, satisfait les Israéliens, même si Obama s’est diplomatiquement prononcé ces jours-ci en faveur d’un Proche-Orient dénucléarisé. « Honnête courtier » oblige. Le président américain, si l’on en croit un haut responsable israélien cité cette semaine par les médias de son pays, aurait donné à Netanyahu des « garanties explicites » sur la sécurité d’Israël au cas où un nouvel accord de la Conférence de suivi du Traité de non-prolifération — qui vient d’être adopté par l’Onu … toujours par souci d’objectivité — viendrait mettre en question l’existence de l’arsenal nucléaire israélien, un mirage selon certains sceptiques. À l’heure où les centrifugeuses iraniennes tournent à plein rendement et où le président Ahmadinejad ne fait pas mystère de ses intentions concernant l’avenir d’Israël au sein de la communauté des Nations, comment ne pas s’interroger sur l’opportunité d’une telle résolution qui condamne « les activités nucléaires israéliennes » et prévoit pour 2012 une conférence sur un Proche-Orient dénucléarisé ! Mais, en raison d’une irrépressible et incorrigible mauvaise foi, je fais probablement fi de l’objectivité, encore elle, des membres du « Machin ».



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Patrick Anidjar, journaliste et écrivain, a travaillé en Europe, au Proche-Orient et aux Etats-Unis pour une agence de presse internationale. Il a collaboré à de nombreux médias français, européens et canadiens. Il est l’auteur d’un livre paru en 2008 aux éditions du Seuil, <em>La Bombe Iranienne, Israël Face à la Menace Nucléaire.</em>

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