L’offensive sanguinaire du Hamas a révélé les failles de l’armée et du renseignement israélien. Son onde de choc secoue la société israélienne et bouscule les équilibres fragiles de la région. Le risque d’embrasement est réel. Israël peut compter sur l’allié américain et les principaux pays occidentaux. Mais toute perspective de sortie de crise suppose au préalable un changement politique en Israël.
Samedi 7 octobre, Israël a vécu la pire journée de sa courte histoire. Un coup terrible d’une brutalité physique et psychologique qui vous donne le sentiment – objectivement exagéré, mais non moins réel et douloureux – que rien n’est jamais acquis, que tout, à commencer par votre existence et votre légitimité, est en jeu de manière permanente. Car il y a eu le massacre, mais surtout il y a eu la débâcle. Ceux qui étaient supposés prévenir n’ont rien vu venir et ceux dont la mission était de défendre les civils ont failli. Pendant des heures, des milliers d’Israéliens ont dû se cacher et se défendre avant d’entendre les voix rassurantes en hébreu de leurs sauveteurs. Sauf que pour 1 600 d’entre eux, c’était trop tard : 1 400 étaient morts et quelque 200 se trouvaient à Gaza, otages du Hamas et du Djihad islamique. Des millions d’autres sont hantés depuis par les images et les voix de ce samedi noir. Et par une question qui accompagnera désormais l’histoire d’Israël : comment cela a-t-il été possible ? Comment, cinquante ans après la surprise et le traumatisme du samedi 6 octobre, jour de Kippour 1973, Israël a-t-il pu se retrouver dans le même état de sidération et d’impréparation ?
Un shabbat de pogrom
Vendredi 6 octobre, tard dans la soirée : Shabak (Shin Beth – services secrets intérieurs) intercepte des signes d’activités inhabituelles. Après consultation avec l’armée, on décide qu’il s’agit d’un exercice. L’alerte n’est pas donnée.
Samedi 7 octobre 6 h 30 : tirs intenses de roquettes et de mortiers sur les positions et les localités israéliennes le long de la frontière avec Gaza.Des drones neutralisent les caméras des miradors de surveillance. Deux cents terroristes du Hamas se ruent vers la barrière, juchés sur des pick-up et des motos, et la percent en plusieurs endroits. C’est le moment où les soldats israéliens comprennent qu’il ne s’agit pas d’un exercice.
Des dizaines de parapentes décollent de la bande de Gaza et se dirigent vers le territoire israélien.Des zodiacs de la force maritime du Hamas se lancent vers la côte israélienne au nord de Gaza. Des unités du Hamas neutralisent des moyens de communication et coupent des lignes d’électricité.
Une deuxième vague de 500 combattants pénètre en Israël par les brèches et attaquent les points de commandement de l’armée et son QG à Kibboutz Re’im. D’autres se dirigent vers les différentes bourgades et kibboutz. Ils tombent, probablement par hasard, sur la rave party.
7 h 00-7 h 30 : plus d’une vingtaine de localités et six bases militaires sont attaquées.
7 h 45 : le premier hélicoptère de combat israélien arrive sur la zone des combats.
8 h 00 : une vingtaine de combattants des commandos de l’armée de l’air arrivent par hélicoptère à Kibboutz Aloumim (au milieu du triangle de l’enfer Be’eri, KfarAza, Nahal Oz). C’est la première force militaire israélienne qui entre en contact avec les terroristes.
Vers 14 h 00-14 h 30 : les forces israéliennes reprennent le contrôle de leur QG et interviennent sur tous les points attaqués par le Hamas. À cette heure-là, on estime que 1 400 civils israéliens ont déjà été massacrés et 200 enlevés, 300 soldats et policiers sont tombés au combat. Un tiers des Israéliens massacrés ont perdu la vie sur le site de la rave party. Dans les Kibboutz Nahal Oz et KfarAza, 20 % de la population a été enlevée ou assassinée.
Premières leçons d’un désastre
L’heure des comptes viendra – quand les armes se tairont. Mais à l’évidence, il s’agit d’une faillite à deux têtes : le renseignement a été incapable de prévenir et l’armée, de protéger.
Il s’avère très vite que le renseignement lui-même a doublement
