Monsieur,
Je vous avoue ma stupéfaction à la lecture de vos récents articles parus dans le Figaro sur la guerre entre Israël et le Hamas.
Par exemple dans votre article intitulé Conflit israélo-palestinien : la France doit cesser de s’aligner bêtement sur les États-Unis (27 juillet 2014), vous affirmez que la France s’est inclinée devant les États-Unis en acceptant que le Hamas soit classé par l’Union Européenne comme groupe terroriste, « sous la pression d’un grotesque petit clan néoconservateur du Quai d’Orsay ». Votre argument est simple : le Hamas a été élu démocratiquement.
On pourrait vous rétorquer : le parti nazi n’avait-il été, lui aussi, élu « démocratiquement » ? Mais la SdN n’aurait-elle pas été plus éclairée, après lecture de Mein Kampf, de condamner le parti nazi ? Or, je m’étonne de ne jamais voir dans la presse rappeler le contenu du texte fondateur du Hamas : sa Charte, laquelle prône la même extermination des Juifs d’Israël et démontre qu’il ne s’agit pas d’une guerre nationaliste, mais d’un impératif religieux , que tout territoire conquis par l’islam est terre du Waqf , terre d’Islam, et que sur ces territoires, aucune autre religion n‘a droit de cité. À Gaza , les chrétiens en ont subi les conséquences, et c’est ce qui se passe actuellement sur les terres conquises au nom du Califat en Irak.
Oui, je m’étonne toujours de constater qu’au fil des articles publiés sur la brûlante question de Gaza, la Charte du Hamas ne soit jamais évoquée. Il est vrai que Mein Kampf n’a pratiquement pas été lu avant la catastrophe de sa mise en pratique par le Troisième Reich. C’est peut-être le sort des textes qui portent l’orage, on préfère les refouler et ce refoulement va de pair avec le déni de la peur qu’ils inspirent.
Dans l’article précité, vous écrivez « Aujourd’hui, à cause des images (c’est moi qui souligne) qui parviennent des territoires palestiniens de Gaza et de Cisjordanie, il ne viendrait pas à l’idée d’une mère française de donner Israël comme exemple à ses enfants ». Cette phrase illustre pourtant exactement ce que par ailleurs vous dénoncez à juste titre comme Les ravages de la diplomatie émotionnelle (Le Figaro du 29 juillet), écrivant : « C’est une diplomatie du temps court car, par définition, elle ne dure que le temps d’une émotion médiatique. » Cependant, poursuivant notre lecture, nous butons sur cette monstruosité qui qualifie de « triste fait divers » l’assassinat des trois jeunes Israéliens. Non. Une atrocité perpétrée dans un but politique (le crime a été commandé par le Hamas comme l’a avoué son instigateur), n’est pas qualifiable de « fait divers ». Et, au lieu d’écrire que « sa médiatisation à profusion a fait dérailler la hiérarchie politique israélienne… » (médiatisation où ? En Cisjordanie et à Gaza ce crime a déclenché des youyous de joie, ici modeste écho, alors que l’assassinat d’horrible vengeance du jeune Palestinien a suscité infiniment plus d’émotion et d’indignation, et un déchaînement de violence en Cisjordanie), il eut été plus judicieux, en tant qu’analyste politique, de s’interroger sur les buts du Hamas : il venait juste de signer un accord avec l’Autorité palestinienne ; il le rompt par cet assassinat dont il connaît évidemment les conséquences. Et il enchaîne presque aussitôt sur un déluge de roquettes, puis de missiles sur Israël. Pourquoi a-t-il décidé de déclencher les hostilités à grande échelle ?
En ce qui concerne votre article publié le samedi 9 août, Le blocus, enjeu principal des négociations du Caire, qu’il est impossible de commenter ici dans sa totalité, je relève juste quelques points :
– En quoi le blocus incommode-t-il le Hamas dont vous dites qu’il est pour lui l’enjeu principal ?
– Pourquoi le blocus a-t-il été instauré par Israël et par l’Egypte (qu’on oublie tout le temps de nommer) Pourquoi l’Egypte a-t-elle instauré le blocus sur Gaza en fermant le terminal de Rafah ? Pour les mêmes raisons, communes à Israël et à l’Egypte : parce que le Hamas utilisait les énormes sommes d’argent qui étaient versées à Gaza — outre les somptueuses villas qu’il a fait construire pour ses dirigeants — pour importer des armes et pour s’infiltrer dans le Sinaï. C’est là l’enjeu principal pour le Hamas et non le mieux-être de la population.
– Vous parlez des « roquettes artisanales du Hamas ». C’est un peu rétro, non, on croit rêver ! Artisanales, les Fajr-5, 90 kg d’explosif, 75 km de portée ; les missiles M-302, 160 km de portée ; les M-75, 100km, etc.. ? Il n’y a donc pas que les Quassam made in Gaza, dont la production s’est fortement développée, notamment au dire des habitants de Sderot qui ont 15 secondes pour s’en abriter. Tout cela sans compter les mortiers et RPG, qui complètent le redoutable armement offensif fourni par l’Iran. Pourquoi cette minimisation, sinon pour toujours présenter le Hamas comme faible et la population de Gaza qui lui est soumise, quand elle ne l’appuie pas, comme perpétuelle victime d’Israël ?
Je cite : « Les Gazaouis ont déjà été très éprouvés, avec leurs 1 900 morts… » Là encore on annonce les chiffres sans distinguer les combattants des civils, ce qui permet de laisser croire qu’il n’y aurait que des victimes civiles, notamment les enfants, que l’on sait très utilisés comme « boucliers humains », sans compter les jeunes directement employés comme aides. Cette confusion va dans le sens du Hamas qui œuvre délibérément à faire diffuser les images les plus horribles possible en direction de l’Occident dont il connaît la sensibilité. Les journalistes sur place connaissent le prix de la censure du Hamas sur leurs reportages.
– À propos de victimes civiles, je me permets de reproduire ici Le manuel du combat urbain des Brigades Al Quassam, qui donne des précisions utiles sur les précautions « disproportionnées » que Tsahal prend pour éviter de toucher les civils : « Les soldats et les commandants (de l’armée israélienne) sont limités dans l’utilisation de leurs armes dans des situations qui peuvent conduire aux pertes inutiles de civils et à la destruction non nécessaire d’infrastructures civiles. Il est difficile pour eux de faire usage de leurs armes à feu, en particulier lorsqu’ils effectuent des tirs de couverture (d’artillerie par exemple) .»
Et pour en revenir à l’enjeu du blocus, ne pourrait-on au moins rappeler qu’Israël n’a cessé, depuis son évacuation de Gaza (qu’on ne rappelle pas non plus) en 2005, de livrer quotidiennement des vivres, des médicaments, et des matériaux qui ont servi à construire la formidable termitière bourrée d’armes et notamment les tunnels destinés à pénétrer sur le territoire israélien pour y procéder à des enlèvements et des attentats. Blocus par ailleurs très particulier exercé par un pays contre un ennemi qui a juré sa perte, puisque même sous les bombardements, pendant l’opération « Bordure protectrice » pas loin de 800 camions ont effectué des livraisons de nourriture et de médicaments.
Pour conclure votre article sur une note diplomatique, vous évoquez la proposition de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni, d’assurer le contrôle naval qui fournirait « un espoir qu’une solution soit trouvée avant que ne reprenne ce « carnage » dont Laurent Fabius a parlé. » Ce triste mot du chef de notre diplomatie, linguistiquement bien impropre à une situation de conflit armé, sonne ici comme la dernière note d’une symphonie perverse.
*Photo: FATHI/APA IMAGES/SIPA.00648065_000005.
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