Malgré une « grève générale » en Israël lundi, le Premier ministre Netanyahu entend maintenir une stratégie inflexible sur les otages. De leur côté, les islamistes du Hamas indiquent qu’ils ne négocieraient qu’en cas de levée du blocage de l’armée israélienne sur le corridor de Philadelphie, entre Gaza et l’Égypte.
Le 20 août, l’armée israélienne annonçait la découverte dans les tunnels de Khan Younes des corps de six otages israéliens, Yoram Metzger, Haim Peri, Alex Dancyg, Nadav Popplewell, Yagev Buchshtab, et Avraham Munder. Leur mort n’était pas récente et avait déjà été annoncée au préalable pour cinq d’entre eux.
Puis, le 27 août, le bédouin israélien Kaid Farhan Alkadi était libéré dans un tunnel, lors d’une opération militaire complexe. Celle-ci, survenant après une série d’éliminations spectaculaires de dirigeants du Hamas ou du Hezbollah, avait redonné aux Israéliens confiance et admiration dans leurs services de renseignement.
Mais quatre jours plus tard, le 31 août, l’armée découvre dans les tunnels de Rafah les corps de six autres otages. Il apparait vite qu’ils ont été assassinés 48 heures auparavant. Et beaucoup d’Israéliens sont en état de choc.
Le Hamas après avoir prétendu qu’il n’était pour rien dans leur mort, s’en vante et déclare que si les Israéliens s’approchent des otages, ils ne récupéreront que des cadavres.
Ces otages qui ont subi un calvaire de 11 mois avant d’être tués de sang-froid par leurs geôliers, qui étaient-ils?
Carmel Got a été enlevée au kibboutz Beeri, où elle a vu sa mère assassinée. C’était une physiothérapeute que certains otages libérés en novembre ont qualifiée d’ange car elle leur enseignait la méditation pour supporter leur épreuve. Sa famille a refusé la présence des medias à son enterrement et a très durement critiqué Netanyahu.
Les cinq autres ont été enlevés au festival Nova: Eden Yerushalmi, qui travaillait au bar, a gardé plusieurs heures un contact téléphonique avec sa sœur avant de tomber dans les griffes des ravisseurs et dont le Hamas a diffusé, après l’avoir assassinée une vidéo où elle suppliait d’accepter l’échange de prisonniers. Almog Sarusi, de Raanana, était musicien. Le sergent-chef Ori Danino a sauvé plusieurs participants, est retourné au combat et a été enlevé. Alexandre Lebanov, dont un enfant est né pendant son incarcération, avait la nationalité russe, mais n’a pas eu la chance d’un autre otage russo-israélien qui avait été libéré par égard pour Poutine. Hersch Goldberg Polin, gravement blessé à la main, avait laissé une impression lumineuse chez ses amis de Jérusalem. Il était devenu un des otages les plus connus car ses parents israélo-américains avaient remué ciel et terre, à l’ONU, à la Maison Blanche et lors de la Convention démocrate. Les paroles de sa mère au cimetière Givat Shaoul, étaient bouleversantes de tendresse et de dignité. Elles auront probablement un retentissement profond aux Etats-Unis.
Bring them home
Les forces israéliennes, qui sont manifestement en train de détruire le Hamas, ont effectué quelques sauvetages d’otages et même ceux qui constataient que ces libérations étaient minimes par rapport à celles qui étaient survenues lors des négociations de novembre, pouvaient espérer que la victoire militaire s’accompagnerait du retour des otages, ou de beaucoup des otages « à la maison ».
Malheureusement Gaza n’est pas Entebbé, dont le souvenir hante probablement Benjamin Netanyahu, étant donné le rôle qu’y a joué son frère. Et depuis la découverte macabre des six corps et les annonces du Hamas, les deux objectifs de destruction du Hamas et de libération des otages se télescopent désormais.
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Israël, où une merveilleuse jeunesse se bat sans répit depuis près d’un an pour accomplir ces deux objectifs, se divise de nouveau fortement et les manifestants sont dans la rue. Le gouvernement est-il en train de sacrifier les otages ? Evénement extraordinaire, le Premier Ministre accepte une Conférence de presse, événement encore plus extraordinaire, il s’excuse auprès des familles des otages assassinés. Mais les familles ne retiennent que son insistance sur le corridor de Philadelphie.
La découverte des cadavres est survenue au moment même où le cabinet de guerre, contre l’avis du Ministre de la défense, a exigé de garder le contrôle israélien du corridor de Philadelphie. En fait les négociations étaient au point mort du fait des revendications du Hamas qui prétendait transformer les propositions de Biden d’un plan en étapes en un cessez-le-feu permanent, avec le retrait complet des troupes israéliennes de Gaza. Autrement dit, le Hamas se présenterait comme le héros invaincu d’une guerre de près d’un an menée par lui seul contre la surpuissante armée israélienne.
Jusqu’à présent, Netanyahu refuse toute concession sur le corridor de Philadelphie
Pour le public occidental, les exigences démesurées d’un Hamas proche de la déroute ont un immense attrait : il pense qu’elles conduiront à une paix complète. Qui peut être contre la paix?
Mais qui est assez ignorant et naïf pour penser qu’on peut être en paix avec le Hamas?
En Israël, il n’y a pas que les électeurs d’extrême droite qui ne font pas la moindre confiance au Hamas et qui pensent qu’il doit être mis hors d’état de nuire. Ce sentiment est général dans la société.
Mais alors que deviendront les otages? « Qui sauve un homme sauve un monde ». La formule est répétée comme un mantra. Pour beaucoup d’Israéliens c’est le moment de l’appliquer, ce n’est pas une élégance d’ostentation et cela réfère à des valeurs centrales dans l’idée qu’ils se font de la morale juive. Il s’agit en outre de libérer des citoyens à l’égard desquels le gouvernement a failli à son devoir de protection.
La question est de savoir où placer le balancier. Une partie au moins des professionnels de la guerre ou des renseignements semble partager l’avis de Yoav Gallant que la présence physique permanente des Israéliens sur Philadelphie n’est pas actuellement indispensable, et il est impensable que le Ministre de la Défense aurait émis un tel avis s’il n’était pas soutenu par les grands militaires. Benny Gantz et Gadi Eisenkot dans leur conférence de presse commune soulignent que le contrôle direct du corridor de Philadelphie n’a pas un caractère existentiel pour Israël.
Pendant trente ans, a transité sous le corridor de Philadelphie un immense arsenal militaire et de construction, qui à lui seul rend la phrase de Gaza « camp de concentration à ciel ouvert » ridicule. À moins que, vicieusement, Dominique de Villepin rappelle que les tunnels ne sont justement pas à ciel ouvert… Il restera à savoir comment Israël s’est accommodé de ces passages, ou pire encore, comment il a pu les ignorer.
Mais aujourd’hui, si les spécialistes pensent que ces tunnels, ou plutôt ce qui en reste, présentent un risque contrôlable, ce n’est pas aux amateurs comme Ben Gvir de peser sur la décision. Cette décision peut signifier la mort pour des otages survivants. Le pays a des devoirs à leur égard et le Premier ministre israélien ne devrait pas y mêler des considérations d’alliances politiciennes.
On a le droit de rêver….
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