Le mouvement envisage des élections en novembre prochain pour asseoir sa légitimité.
Périodiquement l’on reparle de la tenue d’élections en Cisjordanie ou à Gaza. C’est l’antienne qui revient régulièrement au devant de l’actualité. Mais les conditions ne sont jamais réunies pour concrétiser le projet. Ismaïl Haniyeh, chef du Hamas [tooltips content= »Mouvement islamiste palestinien constitué d’une branche politique et d’une branche armée, principalement actif à Gaza »](1)[/tooltips], avait pourtant déclaré le 28 octobre 2019 que le Hamas était prêt à participer aux élections palestiniennes et à respecter les résultats à condition qu’elles se passent dans la transparence et en respectant les règles démocratiques. Mais le Hamas, qui est las d’attendre, veut prouver aujourd’hui sa légitimité par rapport au Fatah[tooltips content= »Le Fatah est le mouvement fondé par Yasser Arafat »](2)[/tooltips], en revenant au devant des électeurs. La dernière élection présidentielle palestinienne date du 9 janvier 2005 tandis que le parlement palestinien a été renouvelé le 25 janvier 2006 avec le résultat que l’on sait. C’est dire si les élus manquent de légitimité.
Élections limitées aux législatives
En tout état de cause, Yahia Sinwar, autre leader du Hamas, est disposé à organiser des élections à Gaza. Le président de la commission des élections, Hisham Kahil, a confirmé que le Hamas avait accepté de tenir les élections législatives en premier. Selon une déclaration du porte-parole du Hamas, Hazem Qassem : «le système électoral qui sera mis en œuvre lors des prochaines élections, de même que son mécanisme et sa programmation dans le temps, reposent sur le consensus national, la meilleure garantie pour des élections libres et transparentes. Quant à la participation du Hamas aux élections, qu’elle se fasse en solo ou avec un allié, elle sera discutée en temps voulu, comme sera discutée la participation des dirigeants du Hamas aux listes électorales. Mais ce qui est certain est notre participation forte et positive aussi bien aux élections législatives que présidentielles».
Encore faut-il, et ce n’est pas acquis, qu’un décret présidentiel en précise la date. Abdel Sattar Qassem, professeur de sciences politiques estime que «le problème avec le Hamas est qu’il manque de flexibilité politique et a des difficultés à établir des relations avec des gens qui se trouvent en dehors de son cercle organisationnel et idéologique. Le Hamas ne fait confiance qu’aux siens et ne fait que très rarement appel aux intellectuels. Il préfère le système des districts électoraux et ses options en matière d’alliance électorale sont limitées au djihad islamique». Certes le Hamas invite peu d’universitaires, de technocrates et d’hommes d’affaires dans ses listes alors qu’il a besoin de s’ouvrir en dehors de ses cercles habituels. Cette volonté de recourir à des élections législatives s’explique donc par les nombreux échecs du Hamas dus à son manque d’expérience dans travail gouvernemental.
On reparle donc d’élections législatives alors que le 26 septembre 2019, depuis la tribune des Nations unies, Mahmoud Abbas avait fait impression en promettant des élections en Cisjordanie, à Gaza et même à Jérusalem-Est. Bien sûr cette promesse n’a jamais été tenue. Le président de l’Autorité avait juste besoin d’entretenir une illusion pour rallumer une légitimité perdue et pour justifier son maintien au pouvoir.
Autoritarisme et corruption
La société palestinienne est lassée de l’autoritarisme et de la corruption de ses dirigeants vieillis et souhaite l’émergence d’une nouvelle génération de responsables politiques. Saëb Erekat, secrétaire général de l’OLP[tooltips content= »L’Organisation de libération de la Palestine est une organisation palestinienne politique et paramilitaire »](3)[/tooltips], qui occupe des responsabilités depuis de nombreuses années, est mal placé pour prétendre que «le changement est désormais son leitmotiv». Pour mettre un terme au déni de démocratie dont souffrent les Palestiniens, les élections sont indispensables pour renouer un lien de confiance avec l’Autorité. Pour Hanan Ashrawi (la Troisième voie) : «La démocratie n’est pas une option mais désormais une nécessité. Les élections doivent se tenir. Après tout, le seul levier dont les Palestiniens doivent s’emparer est la rénovation de leur situation politique intérieure».
Mais pour confirmer sa légitimité à Gaza et même en Cisjordanie, le Hamas veut organiser des élections en novembre 2020 pour se choisir un nouveau chef ou maintenir l’actuel leader en place. Trois prétendants vont être en lice. Yahya Sinwar, Ismaïl Haniyeh et le revenant Khaled Mechaal. Chacun d’eux est soutenu par un pays arabe différent. Sinwar bénéficie du soutien de l’Égypte. Khaled Mechaal, ancien chef du Hamas jusqu’en 2017, est l’homme de la Turquie et du Qatar qui financent le Hamas. Ismaïl Haniyeh, actuel président du bureau politique du Hamas, est l’homme de la Turquie et de l’Iran. Un candidat pourrait créer la surprise en la personne de Saleh El-Arouri, adjoint de Haniyeh. Malgré ce semblant de démocratie, le Conseil de la Choura du Hamas est seul maitre pour organiser dans le secret les élections et pour désigner les candidats.
Besoin d’un nouveau leader
A Gaza, on compte sur le leader élu qui dirigera le Hamas vers une nouvelle stratégie à la lumière des nouveaux développements au Moyen-Orient. Sous la poussée de l’Égypte, certains dirigeants de Gaza sont favorables à un accord avec Israël qui mettra fin aux représailles, qui leur permettra de recevoir une aide continue du Qatar, qui autorisera l’entrée de 10 000 travailleurs en Israël, qui étendra la zone de pêche au large de Gaza et qui développera les zones industrielles à la limite des deux pays. Cette stratégie de collaboration est critiquée par l’Autorité palestinienne qui reste très attachée au statu quo.
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