S’inscrivant dans les pas du populiste de gauche mexicain Andrés Manuel López Obrador, le nouveau président péruvien Pedro Castillo frappe les esprits avec un « indigénisme » pas du tout politiquement correct.
La déconnexion de la droite libérale s’accompagne de l’essor d’une gauche d’un genre inexistant dans les pays décadents de l’Occident. Une gauche aux accents conservateurs parfois assez proche des mouvements chrétiens évangéliques, dont la priorité n’est certainement pas de satisfaire les exigences du nouvel ordre bobo. Au Mexique, le phénomène est particulièrement criant depuis le début du sexennat d’Andrés Manuel López Obrador, un président populiste, indigéniste et antisystème.
Porté au pouvoir en 2018 en promettant de mettre fin à la corruption (une utopie dans ce pays…), celui que l’on surnomme AMLO brille par sa critique récurrente des grands journaux et de leurs lecteurs, qu’il accuse systématiquement et sans aucune gêne de faire preuve d’égoïsme, de même que de sombrer dans un racisme sournois.
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Attaqué par les mêmes médias de droite pour continuer à « nier » la pandémie de Covid-19 (ce qui rappelle le traitement réservé à Bolsonaro au Brésil), AMLO oppose maintenant une résistance aux grandes compagnies pharmaceutiques dont les intérêts ne coïncident pas exactement avec le bien commun. En bon protecteur de la socialité mexicaine, le locataire du Palais national prône des mesures sanitaires minimales. Cette position lui vaut des critiques acerbes de journalistes qui, eux, ont tout le loisir de suivre les règles sanitaires et de faire garder leurs enfants par des nounous basanées venues de la périphérie.
« Une attitude restauratrice »
Dans son livre Regreso a la jaula (Retour en cage) paru en début d’année, l’universitaire Roger Bartra reproche à AMLO d’incarner une gauche nationaliste et réactionnaire, bref un courant opposé au progressisme tel qu’il le conçoit. Bien qu’empreinte d’un certain ressentiment, la thèse de Bartra permet de mieux comprendre sur quoi repose cette nouvelle gauche dite conservatrice. « Une première particularité qui saute aux yeux est l’attitude restauratrice de López Obrador, tournée davantage vers le passé que vers l’avenir. Nous sommes devant une sorte de ‘‘rétro-populisme’’ », écrit l’auteur dans son best-seller.
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Au Pérou, l’arrivée au pouvoir de Pedro Castillo s’inscrit dans la même dynamique. Si le nouveau président prône la redistribution des richesses grâce à diverses réformes économiques, il verse également dans un fort conservatisme social qu’on aurait du mal à lier à la tradition socialiste. Portant un chapeau emblématique du monde rural et citant régulièrement des versets bibliques, l’ancien maître d’école prône une sorte de néo-maoïsme qu’il mélange à son opposition à l’avortement ainsi qu’au mariage gay. Son président du conseil des ministres, Guido Bellido, est reconnu pour ses propos homophobes et misogynes, ainsi que pour sa défense du Sentier lumineux, un groupe d’insurgés ayant fait plus de 50 000 victimes entre 1990 et 2000.
S’inspirant directement de López Obrador, en début de mandat, Pedro Castillo a annoncé qu’il ne vivrait pas dans l’actuelle résidence présidentielle à Lima, dont il entend faire un musée. Le nouveau président présente son geste comme un grand symbole de « décolonisation », mais veut aussi marquer une rupture avec ses prédécesseurs. Comme quoi en Amérique latine, « l’indigénisme » ne rime pas toujours avec une vision politiquement correcte du monde.