Mon Printemps républicain


Mon Printemps républicain
Photo: Yaël Mellul.
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Photo: DR.

Sans la jeune génération, brillamment représentée, cela aurait pu n’être qu’une séquence nostalgie. Pour les vieux routiers de ce qu’on appelait autrefois – il y a quinze ans, c’est dire – le « camp républicain », il flottait dimanche sur la salle bondée et subséquemment surchauffée de la Bellevilloise, théâtre de luttes rouges et glorieuses, un délicieux parfum vintage.

Un peu de tricolore, surtout chez les jeunes, beaucoup de visages connus, croisés aux grandes heures de la Fondation Marc Bloch et du Pôle républicain, le chaudron chevènementiste de 2002, et plus tard, au hasard des batailles, par exemple lors des nombreuses audiences de l’affaire Baby Loup avec Richard Malka. Des profs, beaucoup de profs, des syndicalistes, des francs macs à l’ancienne. Des défenseurs du latin et du grec, des Ni putes ni soumises. Brice Couturier, le libéral-patriote (c’est un compliment). Des revenus de toutes les aventures souverainistes, de Chevènement à Dupont-Aignan en passant par Séguin et Pasqua, qui ne peuvent pas s’empêcher d’espérer. Côté socialo, il y a Frédérique Calandra, la maire du XXème, une sacrée nana celle-là, hôtesse pleine d’énergie et de conviction, en clair une grande gueule comme on les aime, et aussi Jérôme Guedj et sa bande d’amis, lui aussi était là à la création de la Fondation, le 2 mars 1997. J’attrape au vol l’ami Marco Cohen, qui s’affaire avec sa légendaire courtoisie, et qui a perdu quinze ans en trois mois. La bagarre, ça réussit à tout le monde. Je nous revois au meeting de Vincennes de Chevènement – dont Wikipedia m’apprend qu’il a eu lieu le 9 septembre 2001. J’ose à peine le dire, vu qu’on a fini à 5 % mais on y croyait.

Le catéchisme républicain a du bon

Alors bien sûr, on s’est enivrés de mots, au point d’en faire, comme l’avait vachardement mais justement noté Todd à l’époque, un catéchisme républicain. Alors, on a rangé les moulins à prière et chacun est retourné vaquer sur sa rive. Ou ailleurs. Henri Guaino est parti conseiller Nicolas Sarkozy. D’autres ont tourné « réac ». Philippe Cohen est mort. Il serait si heureux de ce printemps, lui qui aimait croire que les idées changent le monde.

N’empêche, si tout cela n’était que des mots, ces mots-là ont la vie dure. Quinze ans après, quand on se demande comment sortir du foutoir géant révélé (mais non créé) par le terrorisme islamiste, on se tourne vers les mêmes mots : République, laïcité, nation. France. Et si, à l’applaudimètre, les deux superstars sont Nadia Remadna, la fondatrice de la Brigade des mères qui ne supporte plus de voir l’Etat encourager la transformation de petits Français en musulmans et plus si affinités, et Amine El Khatmi, adjoint au maire d’Avignon, qui se déclare « musulman pratiquant »  et républicain, c’est peut-être que ces mots continuent à dessiner un horizon commun – sans doute le seul, en réalité, qui puisse s’opposer à la guerre des identités que cache le multiculturalisme qu’affectionne la gauche Terra nova.

Une gauche très Causeur

Bien sûr, il n’est plus question des deux rives. C‘est, très clairement, la partie gauche du « parti de la République » qui s’est rassemblée sous la bannière du Printemps républicain. D’ailleurs, à l’époque du Che, c’est sur cette rive gauche que je campais. Depuis, l’intolérance fanatique de la gauche dominante, sa haine du pluralisme et son goût pour le lynchage – sans oublier son mépris du peuple et son refus insensé du réel –, m’ont éloignée de ses rivages. Mais avec la gauche joyeuse, querelleuse, bienveillante, et excédée rassemblée autour de Laurent Bouvet, Valérie Maupas, Gilles Clavreul et d’une jeune garde fantaisiste et talentueuse, je me sens en famille.  Même si je suis aux yeux de quelques-uns, la cousine qui fait scandale. D’ailleurs, c’est une gauche très Causeur, à en juger par le nombre de lecteurs croisés hier. Et puis, Frédérique Calandra l’a dit à la tribune, tout le monde est le bienvenu. « La plupart des fondateurs de ce mouvement ont entre eux de nombreux désaccords, ils appartiennent ou ont quitté ou sont proches de partis différents et on serait bien en peine de trouver une ligne majoritaire sur les questions sociétales et sociales. Mais tous sont issus de la gauche, car l’urgence est de peser dans les débats et dans les organisations de gauche. Cependant, nous sommes républicains  et à ce titre, nous accueillerons et débattrons avec tous les défenseurs de la République. »  Merci M’dame.  Ça tombe bien, j’ai l’intention de rester.

Il était temps que quelque chose se passe. Car la plupart des conjurés ont aussi en commun le fait d’être en butte aux soupçons, aux attaques insidieuses et aux procès en sorcellerie venus de leur camp. On a demandé (et pour certains, comme Céline Pina) obtenu leur tête, calomnié leur travail. Quand il s’agit de traquer l’ennemi intérieur, la gauche multiculti sait se montrer implacable.  Quoiqu’un peu répétitive. Bien sûr, les noms d’oiseaux n’ont pas traîné. Islamophobes, roses-bruns… Mais « islamophobe » ne fait plus peur, comme l’a dit Babeth Badinter,  et quelques-uns de ces roses-bruns d’aujourd’hui étaient hier dénoncés comme rouges-bruns et ils s’en sont très bien remis.

Les esprits forts n’ont pas manqué d’observer que tout ça c’est bien joli mais que ça ne changera rien. Les esprits forts peuvent se tromper. La route des idées est longue camarade. Et des bonnes nouvelles politiques il n’y en a pas tous les quatre matins alors on ne va pas bouder, pas moi en tout cas. Le camp de la République est peut-être marginal dans les partis politiques, il est certainement majoritaire dans le pays. Alors qui sait de quoi il est capable maintenant qu’il a décidé de se faire entendre ? Et puis, je vais vous faire un aveu. Pour une après-midi, c’était chouette d’être de gauche.



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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