Ambiance bonne franquette, fameux petits plats mijotés et addition indolore, les relais routiers défendent les meilleures traditions de la gastronomie populaire. Chichiteux s’abstenir.
« Salauds de pauvres ! » Un demi-siècle après, la fameuse tirade de Jean Gabin dans La Traversée de Paris, de Claude Autant-Lara (1956), paraît prophétique, tant il est vrai que les obscurs bistrotiers auxquels elle était adressée, archétypes de cette « France moisie » que nos élites de droite et de gauche se sont ingéniées à détruire (et à remplacer) en toute bonne conscience, ont, de fait, complètement disparu de nos paysages urbains, ainsi que l’a bien montré le sociologue Pierre Boisard, spécialiste mondial du camembert[tooltips content=’Le Camembert, mythe français, Odile Jacob, 2007.’]1[/tooltips], dans son beau livre consacré à l’un des derniers vrais bistrots de la capitale : Le Martignac, rue de Grenelle, dans le VIIe (La Vie de bistrot, PUF, 2016).
Si le peuple a disparu, où est donc passée sa cuisine ? Étrangement, c’est la question que personne ne se pose dans « le milieu », les journalistes gastronomiques préférant cultiver le mythe d’une France « championne du monde de la bonne bouffe », alors que chacun sait que les auberges de campagne ne se fournissent plus que chez Metro et qu’y trouver une poule au pot digne de ce nom relève de la recherche ethnographique. Il est en fait devenu un tantinet réac de déplorer la raréfaction de ces lieux et de ces plats populaires, exactement comme il était franchouillard et populiste en 2001, aux yeux des Inrocks, sous la plume de Serge Kaganski, que le pauvre Jean-Pierre Jeunet fît un tableau idyllique et nostalgique de Montmartre dans Amélie Poulain au lieu de célébrer « la diversité » de Barbès comme il aurait dû le faire…
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Avec le recul, il est frappant de voir à quel point, en gros, depuis L’Idéologie française de BHL (1981), les médias de gauche ont été mus par la haine et le mépris du populo, se faisant ainsi les complices et les alliés objectifs du capitalisme le plus agressif qui soit, en accord avec lui pour mettre au pas « la France moisie » (dixit Philippe Sollers) des petits commerçants
