Et si c’était lui? (faisons semblant deux minutes…)
Le 11 janvier, le philosophe libéral Gaspard Koenig a annoncé sa candidature à la présidentielle. Après avoir parcouru 2500 km à cheval en dormant chez l’habitant (Notre vagabonde liberté : à cheval sur les traces de Montaigne, l’Observatoire, 2021), l’essayiste a de nouveau sillonné la France avec Nicolas Gardères, afin de recueillir des témoignages liés à l’enfer bureaucratique (Simplifions-nous la vie, l’Observatoire, 2021).
Avec cette candidature, les Français vont avoir la fortune de voir évoluer un candidat d’extrême centre dans la course vers l’Elysée. « Je veux vous proposer une radicalité venue du centre », annonce Gaspard Koenig, qui, il faut bien le dire, réussira un vrai coup de poker s’il parvient déjà à réunir ses 500 parrainages… Mais quelle différence cette radicalité centriste pourrait-elle donc entretenir avec le « en même temps » macronien ?
À l’extrémité du centre…
Depuis cinq ans, Emmanuel Macron a tantôt annoncé qu’il se considérait ni de droite ni de gauche – comme lors de la campagne de 2017 – tantôt au contraire de droite et de gauche.
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Gaspard Koenig, qui dit avoir voté Macron en 2017 pour le fameux « vent de fraîcheur » dans la classe politique largement fantasmé à l’époque, se définit sans hésiter « de droite et de gauche ». Et même : « de centre-droit et de centre-gauche ». Avec ce partisan du « libéralisme social », on aurait donc bien affaire à un extrême-centriste. Pour autant, on ne sait toujours pas précisément de quoi il s’agit. Et on ne saurait dire si, derrière cette apparente rigueur dans la nuance, se cache du courage ou bien de la couardise.
Alors, à quoi ressemble un programme d’extrême-centre ?
Avec la liberté, c’est du sérieux
Pour Koenig, un seul mot d’ordre : simplifier. Son parti politique porte d’ailleurs le nom de « SIMPLE ». Koenig est un libéral au sens propre. Il se présente aux antipodes de l’autoritarisme de Macron et de son jacobinisme. Il entreprend de redonner aux citoyens, aux communes et aux institutions locales, leur liberté, donc leur responsabilité. « Il est temps de prendre la liberté au sérieux. Et comme personne n’y semble disposé parmi les candidats à l’élection présidentielle, j’ai décidé de m’y présenter moi-même » annonce-t-il dans sa déclaration de candidature. Prendre la liberté au sérieux, cela passe d’abord par une simplification drastique de la montagne juridique et bureaucratique sous laquelle croulent les Français. Koenig et son équipe de « simplistes » proposent pour cela le projet « Portalis » en référence à Jean-Etienne-Marie Portalis, l’un des grands artisans du Code civil, qui s’était attaché sous l’égide révolutionnaire à synthétiser et moderniser toute la législation de l’Ancien régime à la fin du XVIIIème siècle. Koenig entend diviser par cent le nombre de normes en France en l’espace de deux ans, de façon à réduire l’ensemble des codes juridiques en un seul ouvrage, court et simple, qui serait distribué à l’ensemble des citoyens français. Puisque nul n’est censé ignorer la loi…
Prendre la liberté au sérieux, pour Gaspard Koenig, c’est aussi ne pas tout céder aux GAFAM et redonner au citoyen la « maîtrise » sur internet, grâce à l’instauration d’un droit de propriété sur les données personnelles. Cette mesure illustre bien la conception de la liberté qu’entend réhabiliter le nouveau candidat, une liberté de la responsabilité individuelle, de la « maîtrise de soi », à la place d’une liberté outrancière et consumériste.
Anti-passe
Concernant la crise sanitaire, Koenig pourrait aussi en séduire certains. Il est rigoureusement opposé au passe sanitaire. Dans un entretien au Figaro, il décrit le passe sanitaire comme une « servitude volontaire ». Intolérable pour un philosophe libéral. « Faute de maîtriser le virus, [l’Etat] prétend régenter nos vies » déplore-t-il.
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Dans une élection qui s’annonce de plus en plus confisquée par la binarité de l’opposition entre pro et anti-passe, le positionnement contre le passe sanitaire du candidat de l’extrême-centre – c’est-à-dire dans l’imaginaire collectif de l’extrême nuance et de la rationalité – apparaît opportun, et pourrait faire réfléchir quelques défenseurs de la raison / déraison macronienne (rayez la mention qui vous semble inutile).
Un revenu universel
« Une somme d’argent couvrant les besoins de base allouée à chaque citoyen majeur, dès 18 ans et pour la vie » c’est l’autre proposition principale du programme « simpliste ». Etonnant, dans la mesure où l’on se souvient que le dernier à avoir porté cette proposition dans le débat présidentiel était l’ex-PS Benoît Hamon. Mais Koenig défend depuis longtemps le revenu universel, qui selon lui permettrait de régler une fois pour toutes le problème de l’extrême pauvreté, tout en offrant un levier entrepreneurial.
Le revenu universel est vu par Koenig comme une façon de supprimer non pas l’inégalité réelle, mais le sentiment d’inégalité, tout en encourageant la production légitime de valeur.
Pas touche aux animaux !
Entre autres mesures assez radicales, comme la légalisation du cannabis ou l’interdiction des réseaux sociaux pour les moins de 16 ans, l’extrême-centre de Gaspard Koenig promet la fin de l’élevage intensif. Dans le micro-code juridique qui sera institué, figureront de nouveaux « droits du vivant » visant à mettre fin aux pratiques « d’enfermement, d’entassement et de mutilation ».
Peut-être les « simplistes » parviendront-ils à grapiller quelques électeurs aux « animalistes » même s’il est probable (et tout de même regrettable pour la qualité du débat politique) qu’Hélène Thouy, la candidate du parti animaliste, soit déjà mieux avancée qu’eux dans la récolte des précieux parrainages.
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