Juif, Lituanien, aviateur héroïque de la Seconde guerre mondiale, séducteur, amoureux des actrices, fumeur de cigare, dandy d’ambassades improbables, Romain Gary avait tout pour faire un excellent Français, et il le fut. Gaulliste romantique, compagnon de la Libération, ce romancier à succès a été méprisé par la critique de son temps. Trop réac, sans doute. On ne cesse pourtant, depuis son suicide en 1980, de redécouvrir aujourd’hui le génie de cet écrivain qui parla surtout de lui-même mais sut, comme le recommande un rabbin de la Kabbale, « transformer son miroir intérieur en fenêtre ouverte sur le monde ».
[access capability= »lire_inedits »]C’est sans doute pour cela que les huit romans et récits rassemblés ici, en un volume assez justement intitulé Légendes du je, ressortissent autant à l’autobiographie qu’à la peinture d’un siècle, le dernier, celui qui trouva le moyen d’être à la fois celui du nazisme et de Jean Seberg, épouse Gary, distribuant le Herald Tribune sur les Champs-Elysées dans À bout de souffle, de Godard.
Deux des romans que l’on trouvera ici furent, à l’origine, signés Emile Ajar. On se souvient de cette retentissante affaire. Lassé d’être traité comme un has been par le milieu éditorial, lui qui avait déjà eu le Goncourt en 1957 pour Les Racines du ciel, il mit en place, en 1974-1975, la plus belle machination de l’histoire littéraire française et réussit à obtenir une seconde fois le prix prestigieux en utilisant un neveu comme homme de paille. On trouvera d’ailleurs le récit posthume de ce joli camouflet à la république des lettres dans le court texte qui clôt le volume, Vie et mort d’Emile Ajar, chef-d’œuvre de lucidité froide, d’amertume ironique et de désespoir glacé.
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