Pour son premier film, Nicolas Maury a utilisé 10% de son talent.
Nicolas Maury est une présence singulière du jeune cinéma français souvent utilisée comme condiment exotique avec sa voix haut perchée et ses manières de drama queen à la Jacques Chazot. Comédien de qualité au théâtre, il a tardivement explosé à la télévision avec la série 10%.
Succès et reconnaissance aidant, le voilà qui sort son premier film où, faisant d’une pierre deux coups, il s’est réservé le premier rôle. On aurait pu penser que ce serait l’occasion de sortir de son emploi, celui de folle perdue, et d’explorer d’autres facettes de son talent, avec par exemple un musical-claquettes consacré à la chute de Saddam Hussein ou un drame naturaliste sur le combat d’un paysan dyslexique rêvant de cultiver des ananas dans le Minervois ou encore, plus simplement, une biographie de Simone Veil, le véhicule parfait pour délivrer dans le rôle principal toutes les nuances de son jeu.
Autobiographie à peine déguisée
On a tout faux : Garçon chiffon est une autobiographie à peine déguisée où Maury joue Jérémy, comédien jaloux à fleur de peau qui se fait quitter par son ami vétérinaire excédé, et part se ressourcer chez sa mère tenancière de gîte rural, tout en préparant une audition pour l’Éveil du printemps où il doit jouer – évidemment – Moritz, le garçon « sensible ». Il y rencontrera un jeune métis sublime mais hétéro…
Et alors ?
Et voilà…
Dégoulinure terminale du Moi, Garçon chiffon rentrera peut-être dans le livre des records, puisque Maury doit monopoliser à lui seul, en gros ou très gros plan, une heure de présence à l’écran (sur 1h46) ; je laisse de côté par pure bonté, les plans larges un peu dénudés, notamment celui parfaitement gratuit où il potasse son rôle allongé sur le ventre, en slip blanc pour faire ressortir ses fesses (clairement un atout).
Téchiné kitsch
Aussi narcissique que niais, Garçon chiffon évoque la rencontre monstrueuse, mais en moins faux-cul, des Garçons et Guillaume à table avec Yann Gonzalez (grosse promotion sur les néons roses lors de la confession déchirante-féministe de Nathalie Baye). Un peu de Rendez-vous, ce vieux Téchiné kitschos, une pincée de Ducastel/Martineau – la déclaration d’amour chantée finale -, et hop !, ma fadaise-falbala est prête, c’est-y-pas beau ? Garçon chiffon fait repenser avec honte aux beaux films cruels et introspectifs de Jacques Nolot (dont Avant que j’oublie, probable chef-d’œuvre), Nolot, qui ne réalisera plus jamais.
La seule bonne idée à porter au crédit de Maury est d’avoir choisi Jérémy comme prénom de son héros, préparant clairement le spectateur à ce qui l’attend : une interminable suite de jérémiades et de pleurnicheries avec toutou hémorragique, mère victime et cœurs brisés.
Garçon chiffon de Nicolas Maury, en salle depuis le 19 mai
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