Accueil Société Et si on avait répondu au « tueur de DRH »?

Et si on avait répondu au « tueur de DRH »?

On ne peut pas refaire l'éducation des gens, mais...


Le procès de Gabriel Fortin s’est ouvert, mardi, devant la cour d’assises de la Drôme, à Valence. Il est jugé pour trois assassinats (deux directrices des ressources humaines, et une conseillère de Pôle Emploi), et une tentative d’assassinat sur un homme, cadre dans l’entreprise de la première femme assassinée. Au procès, le tueur paranoïaque renvoie la responsabilité sur les autres…


Pour les trois assassinats et la tentative d’assassinat qui lui sont reprochés et qu’il reconnaît avoir commis, il dénonce notamment « des personnes en capacité d’agir qui sont responsables de la situation ». Il dit avoir envoyé « de nombreuses plaintes aux procureurs de Chartres, de Valence, de Nancy… alerté de [sa] situation le Conseil supérieur de la magistrature (il intime à l’avocat général de se lever), des députés, des ministres de la Justice, des défenseurs des droits… » (Source: Le Parisien).

Je voudrais attirer l’attention sur une défaillance qui depuis longtemps m’obsède et dont j’ose sans présomption soutenir que j’y ai toujours échappé, en particulier sur le plan judiciaire. On ne répond plus aux courriers, on laisse les messages se perdre, on n’accuse pas réception des plaintes, les institutions, pourvues souvent d’un secrétariat étoffé, ne se donnent pas la peine de signaler, fût-ce sommairement, qu’elles ont pris acte de leur saisine, il arrive même que l’Elysée qui devrait représenter l’incarnation exemplaire du savoir-vivre républicain, soit en faute et sans réaction. Loin de moi l’idée de prétendre qu’il est facile de manifester un intérêt même basique à l’égard de tous les rédacteurs compulsifs qui inondent les parquets, les instances officielles, les services publics et les administrations. Pourtant j’ai pu constater, à partir de ma propre expérience, comme magistrat puis comme citoyen assez souvent sollicité, que rien n’est indifférent et que la plus infime marque d’attention, la réponse la plus simple, constituent, dans tous les cas, un baume, une reconnaissance ; voire une prudence. Il est évident que Gabriel Fortin n’aurait pas mis fin à son terrifiant ressentiment collectif grâce aux réponses qu’il attendait (peut-être d’ailleurs en a-t-il reçues ?) et qui, absentes, ont sans doute aggravé son sentiment de frustration, de rejet et de haine.

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Qu’on ne vienne pas, comme souvent, justifier ces inadmissibles incuries par l’excès de travail. En général ce sont les moins actifs qui en sont les coupables. Elles sont d’autant plus blâmables qu’elles émanent de services, de structures et d’administrations capables de se mobiliser, s’ils en avaient la volonté, en un trait de temps pour ces opérations de discipline élémentaire. Je me souviens d’avoir été, il y a longtemps, chef de la section du droit bancaire à Paris durant un an : on ne répondait qu’aux avocats (et encore!), j’ai fait en sorte qu’on réponde à TOUS les courriers. J’ai pu constater à quel point le climat judiciaire en a été modifié, et d’abord le regard du citoyen sur le magistrat. J’éprouve une sorte de honte à mêler à ces épouvantables tragédies criminelles des observations aussi pragmatiques. Cependant, si j’étais en charge d’une haute responsabilité, aussi modeste que puisse apparaître cette injonction, je veillerais à rendre obligatoire, dans la vie publique, la réponse aux sollicitations citoyennes (par quelque mode que ce soit) en interdisant l’indifférence, la négligence, la désinvolture ou le mépris à l’égard de la multitude des doléances, réclamations, requêtes ou dénonciations qui trouvent trop souvent porte close, écoute fermée et écriture absente. Ce devrait être un impératif démocratique. Dans les relations privées, c’est une question d’urbanité et de politesse. On ne peut pas refaire l’éducation des gens. Gabriel Fortin, face à son délire, aurait eu besoin d’un tout petit peu de normalité.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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