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Gabriel Attal ne veut plus être le «petit frère» d’Emmanuel Macron

Le billet politique de Philippe Bilger


Gabriel Attal ne veut plus être le «petit frère» d’Emmanuel Macron
Emmanuel Macron et Gabriel Attal lors d'une visite au Mont Valérien, le 18 juin 2024. © Jacques Witt/SIPA

Le Premier ministre, qui n’était pas dans la confidence du projet de dissolution de l’Assemblée nationale d’Emmanuel Macron et a été mis devant le fait accompli (alors que le ministre de l’Intérieur, lui, savait), semble vouloir voler de ses propres ailes. Dans son sillage, MM. Philippe et Le Maire ne sont pas en reste pour critiquer ouvertement la présidence, donnant l’impression d’un délitement à tous les niveaux.


Le président : génial ou insensé ? Nulle marque d’irrespect dans l’attaque de mon article, mais une alternative que ces derniers jours présentent à l’esprit des citoyens. On me pardonnera d’écrire encore un billet sur ce thème mais il me semble que la situation politique est suffisamment incertaine dans le présent et angoissante pour le futur, pour justifier cette insistance de ma part. Depuis cette décision de dissoudre, on a l’impression qu’un délitement s’opère à tous les niveaux, comme si la perte de confiance en la lucidité et en la maîtrise d’Emmanuel Macron avait ouvert des vannes, libéré des audaces, extériorisé des ambitions et surtout autorisé une parole dénuée de toute inconditionnalité.

Dans Le Parisien, Gabriel Attal répète à deux reprises « ne pas regarder dans le rétroviseur »

Même si dans l’Histoire de la Ve République, je concède volontiers qu’il y a eu des présidents victimes d’une désaffection et dont l’image n’était pas souhaitée sur les affiches lors des élections, même si l’hostilité politique de leurs soutiens et de leurs partisans, selon la conjoncture, avait pu survenir, il me semble toutefois que rien n’est comparable au climat actuel. Les candidats de Renaissance, entre méfiance et révolte, ne veulent surtout pas que le président parle, ils ont peur de ses possibles embardées. Le signe le plus éclatant de cette atmosphère lourde et suspicieuse est le fait qu’on ne tolère plus de sa part les charges même les plus pertinentes contre le Nouveau Front Populaire, LFI et Jean-Luc Mélenchon, comme récemment à l’île de Sein. L’aspiration générale est qu’il s’efface.

On se retrouve comme au temps des gilets jaunes où l’exaspération politique s’était dégradée en haine à l’encontre du couple Macron appréhendé telle une résurgence de la royauté honnie. Un indice tristement révélateur de ce retour a été le fait que Brigitte Macron, se rendant à l’enterrement de Françoise Hardy, a été huée contre toute décence.

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Depuis le saisissement de la dissolution, le Premier ministre Gabriel Attal ne se cache plus pour assumer des responsabilités qui se caractérisent aujourd’hui par le besoin que son camp a de lui et par l’assurance toute neuve avec laquelle il se campe presque comme un recours. Il a conscience que ce qu’un citoyen lui a demandé vulgairement au sujet du président dans le Val-de-Marne est un impératif pour lui : sa parole doit remplacer celle d’Emmanuel Macron.

Édouard Philippe: ne partez pas sans moi!

Le Premier ministre dont la jeunesse faisait peur malgré son talent, s’est mué en un personnage beaucoup plus dense et solide : les épreuves façonnent celui qui, sans elles, ne se serait pas métamorphosé aussi rapidement. Sa candidature pour 2027 n’est plus une absurdité. Il prend un peu d’avance sur ses rivaux déclarés ou plausibles. C’est à cause de cela que, de manière étrange avant le premier tour du 30 juin, Édouard Philippe rue dans les brancards et s’en prend au président qu’il accuse d’avoir « tué la majorité présidentielle ». Il affirme qu’entre les extrêmes, il y a un autre choix : l’adhésion à sa propre cause. Il a encore du travail à faire pour nous persuader que sur le plan régalien nous n’aurions pas avec lui un Juppé bis ! Bruno Le Maire se lâche de plus en plus, pourfend le caractère « solitaire » de la dissolution, vitupère les « cloportes », ces conseillers irresponsables du président, et, sur ce plan, il est approuvé par Édouard Philippe. C’est bien plus qu’anecdotique : une manière de présider est mise en cause à mots couverts ou transparents.

Le crépuscule du monde nouveau?

Le mélange d’un mandat profondément bousculé, d’un président à la personnalité décriée, en tout cas questionnée, d’un entourage sans allure, d’une Assemblée nationale peut-être ingouvernable, d’un État dans l’angoisse de ce qui l’attend, de sondages qui, tous, placent la majorité présidentielle derrière le NFP et surtout le RN associé à Éric Ciotti, crée un crépuscule républicain, une démocratie délétère, morose, un paysage présidentiel informe et inédit. Espérance paradoxale : les procurations explosent. On aura une forte participation. Face à ce désastre annoncé, Emmanuel Macron nous affirme pourtant que « la majorité absolue est à portée de main ». S’il a raison, après de longs flottements il redevient un génie de la politique. S’il cherche à se donner du courage en sachant qu’il se ment et nous égare, il est insensé. Il conviendra que 2027 nous permette d’élire un président enfin normal, mais pas comme au sens où l’entendait François Hollande. Avec en même temps de la simplicité, de l’allure… Et de la vérité…




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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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