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Attal prend le large, le Nouveau Front populaire l’eau…

L’analyse politique de Philippe Bilger


Attal prend le large, le Nouveau Front populaire l’eau…
Gérald Darmanin et Gabriel Attal, image d'archive © Gonzalo Fuentes/AP/SIPA

Alors que la naïveté collective du Nouveau Front populaire empêche pour l’instant la désignation d’un candidat de gauche pour Matignon, le communiste Chassaigne est proposé au perchoir à l’Assemblée, et c’est l’heure des grandes manœuvres politiciennes autour de Attal, Darmanin, Bertrand ou Philippe…


On n’a jamais connu une période politique comme celle-ci. De tous côtés, c’est l’inquiétude, la sarabande, les ambitions enfin délivrées de leur gangue présidentielle, le progressisme affiché volant en éclats, le président de la République continuant à parler comme s’il était écouté, Gabriel Attal et Gérald Darmanin s’ébrouant dans des sens différents et avec des stratégies opposées, le Nouveau Front Populaire (NFP), bas du front, pas du tout nouveau et absolument pas populaire, confronté, après l’exaltation factice, à la dure loi des rapports de force, le Rassemblement national volé hier, électoralement parlant, par des désistements contre-nature et sans doute spolié à l’Assemblée nationale par un cordon prétendu sanitaire, une démocratie globalement mise à mal…

Gabriel Attal se rappelle qu’il était socialiste

Il est intéressant de voir comme Gabriel Attal et Gérald Darmanin en effet, prennent le large. Le premier, à la hussarde selon le président, étant candidat unique s’est fait élire à la tête du Groupe parlementaire « Ensemble » dont, durant la campagne, grâce à son énergie et à son talent, il a sauvé une part importante de députés.

Le second, enlevant sa cravate de manière ostentatoire à la sortie du Conseil des ministres et manifestant ainsi que c’en était fini du Gérald sous la coupe de quiconque, s’oppose à M. Attal en soutenant qu’avant toute chose il faut décider si le projet politique – le futur du macronisme – sera ancré à droite ou à gauche. Pour lui, il est clair que son avenir est à droite dans une alliance avec la droite républicaine dont le « pacte législatif » est inspiré par le même esprit.

C’est évidemment une pierre jetée dans le jardin de Gabriel Attal qui, durant la campagne des législatives, s’est souvenu de ses origines socialistes en préférant LFI au RN et, Premier ministre chargé des affaires courantes, a validé un cordon sanitaire excluant LFI et le RN à l’Assemblée nationale. On peut regretter ces fluctuations démocratiques qui n’admettent pas que tous les députés présents dans l’hémicycle, sont, en principe et en dignité, égaux et que c’est une insupportable discrimination que d’en ostraciser certains.

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Au-delà de cette bataille qui les confrontera directement en 2027, ou par rivaux interposés, il est passionnant de comparer leur personnalité et leur rapport à la politique. Le paradoxe est que, si Gabriel Attal s’est émancipé vite et assez brutalement d’Emmanuel Macron, il a sans doute plus à voir avec certains aspects de ce dernier que Gérald Darmanin.

Gabriel Attal est un séducteur, un vibrion brillant sûr de ses dons et de ses facilités, constituant sa rapidité et son efficacité comme l’opportunité d’autant de coups d’éclat. Tandis que Gérald Darmanin qui n’est pas non plus dénué de verve et de brio est sérieux, travailleur, réaliste, pragmatique, enraciné quand l’autre s’est fait élire dans une circonscription imperdable. Gabriel Attal, malgré les apparences, est un solitaire soutenu par un quatuor d’inconditionnels. Il semble si désireux de donner de lui-même l’impression la plus favorable, la plus immédiatement active et réactive, que je ne l’imagine pas en charge d’un courant populaire qui impose au moins de feindre de s’oublier et d’approuver ce à quoi on ne croit pourtant pas: que le pluriel est plus efficace que le singulier et le collectif que l’élan individuel et créatif.

En ordre dispersé

À peine ai-je esquissé cette analyse que je me souviens de l’accueil qui lui avait été réservé comme ministre de l’Éducation nationale et encore plus comme Premier ministre, après qu’il avait été un excellent porte-parole du gouvernement : une attente sympathique mais un peu inquiète face à de possibles risques de légèreté et de superficialité. Depuis la dissolution et son rapport abîmé avec le président – il n’a pas supporté de n’en avoir pas été informé -, on ne peut contester qu’il a pris une densité ne le rendant plus du tout ridicule pour 2027 s’il se mettait, lui aussi, sur les rangs.

MM. Attal et Darmanin ne vont pas emprunter les mêmes chemins. En tout cas ils s’éloignent, le premier en mettant la main sur le groupe et en s’assurant des fidèles pour demain, le second en s’appuyant sur un bilan estimable – il a fait tout ce qu’il a pu au sein d’une mansuétude régalienne – et en proposant une droite populaire « à la Sarkozy ».

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Et Édouard Philippe et Bruno Le Maire sont déjà loin, eux aussi. Et Laurent Wauquiez, absent quand son parti avait besoin de lui mais présent quand il a besoin du parti. Et David Lisnard qu’on n’oubliera pas à Cannes. Et Xavier Bertrand aspirant à être le Premier ministre compatible avec le président et avec la situation d’aujourd’hui. Il faudra juste, s’il le devient, qu’il cesse d’insulter les 11 millions de citoyens ayant voté pour le RN qui n’est ni fasciste ni nazi mais largement aussi républicain que LFI…

Du rififi sans fin dans la bande des quatre

Le Nouveau Front Populaire prend l’eau chaque jour davantage. Malgré les cris d’effroi de Marine Tondelier et de Sandrine Rousseau. On a enfin – le 17 juillet – son candidat unique pour la présidence de l’Assemblée nationale : le communiste André Chassaigne. On n’a toujours pas le nom du Premier ministre qui doit être validé par la bande des quatre ! Entre LFI et le PS, c’est à qui montrera le plus ses muscles avec de surcroît une divergence fondamentale : Olivier Faure et le PS veulent gouverner tandis que Jean-Luc Mélenchon et les Soumis à Mélenchon (SAM, sigle suggéré par Gilles-William Goldnadel) n’y tiennent pas, désireux de garder au chaud le premier pour 2027 !

Je n’ai pas envie de me moquer de la naïveté collective de ce NFP. Qui pouvait lucidement croire que ces quatre structures, ces personnalités, ces rivalités, ces rapports de force, ces divergences, ces inégalités de courage et de caractère n’allaient pas faire éclater en morceaux le succès artificiel, relatif, dû aux voltes indécentes de leurs opposants de toujours ! Comme l’a très bien dit François Ruffin, ce désordre et ces atermoiements valident ce que le président de la République attendait du NFP : la démonstration d’un chaos et d’une impuissance.

De la place pour une droite revigorée ?




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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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