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Attalmania, ce «mini-Macron» qui vous agace déjà

Emmanuel Macron et Gabriel Attal sont divisibles ! Gabriel Attal semble vouloir mener une politique libérale et conservatrice


Attalmania, ce «mini-Macron» qui vous agace déjà
Emmanuel Macron avec Gabriel Attal à Arras, le 13 octobre 2023 © LUDOVIC MARIN-POOL/SIPA

Que les choses soient claires : le plus jeune Premier ministre de l’histoire de la Vᵉ n’est pas un clone du président de la République, estime notre chroniqueur.


Rien ne me paraît plus faux que de qualifier le Premier ministre Gabriel Attal de « petit Macron ». D’abord il y a là comme un zeste de condescendance, voire de mépris, et, pour avoir été choisi par le président, pour une fois heureusement inspiré, faut-il considérer qu’il est forcément un clone d’Emmanuel Macron ? Dans une telle dépendance que toute autonomie lui serait interdite ?

Philippe Bilger trouve lui aussi notre Premier ministre brillant

Suis-je contraint d’appréhender ce couple globalement, alors que j’ai envie de l’évaluer au détail et d’estimer que, si l’un a déçu et relève dorénavant d’une forme de passé, l’autre représente l’espoir ? Dans chacune de ses fonctions, il a su assumer ses responsabilités correctement, et même brillamment. Sa dernière expérience rue de Grenelle a été trop courte mais tellement concluante. Sa jeunesse ne sera pas perçue par moi comme un handicap. Je me souviendrai de la pensée de Goethe pour qui « si la jeunesse est un défaut, on s’en corrige vite ». Et tant plus âgés, à des postes essentiels, notamment celui de Premier ministre, n’ont pas vraiment ébloui…

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Aussi, on comprendra pourquoi je n’ai pas eu un réflexe d’opposant global critiquant sans nuance son discours de politique générale, prononcé alors que son gouvernement est loin d’être formé – on l’annonce complet le 6 février ou même plus tard -, avec des manques laissant des secteurs importants dans l’attente. S’il m’a déplu sur certains points, dans l’ensemble cependant je l’ai senti animé par une juvénilité créatrice, sincère, désireux de faire de ses promesses des actes, un peu intimidé par la posture officielle qu’il avait la charge d’assumer – lire un discours préparé par d’autres alors qu’il est très doué pour l’élan spontané du verbe – mais offrant une fraîcheur, une absence de cynisme, se refusant à tout pessimisme anticipé. Bref, une intervention de Premier ministre qui n’a déshonoré ni la démocratie ni la France. Ses faiblesses tenaient à une part de structure obligatoire dans ce type de discours, qui contraint à des banalités et des abstractions nobles. Il ne pouvait y déroger, de la même manière qu’il n’a pas manqué de rendre hommage à quinze reprises au président et de remercier ses prédécesseurs.

A lire aussi, un autre son de cloche, Ivan Rioufol : Face au chaos, les dérisoires artifices de Gabriel Attal

Le procès qui lui a été fait de n’avoir pas placé tout son discours sous l’égide de l’agriculture en crise est injuste. Il a sans doute pâti du télescopage avec ses premières propositions aux agriculteurs. Il ne pouvait pas se focaliser seulement sur eux sauf à donner l’impression de tenir pour rien sa tentative initiale de répondre à la contestation agricole. Quant à la tonalité générale de son propos, il est absurde de la qualifier, comme Jean-Luc Mélenchon l’a fait, « de la plus réactionnaire depuis un siècle ». Alors que je ne vois rien à redire à l’analyse de Boris Vallaud qui la dénonce comme « libérale et conservatrice » ; personnellement je m’en félicite… Si le président a multiplié les fluctuations et les revirements au point d’égarer le citoyen, aujourd’hui Gabriel Attal n’avait pas d’autre choix que d’inscrire clairement son allocution sous le pavillon de la droite. Parce que le réel, d’une certaine manière, impose cette option en accablant la société avec des maux qui n’appellent qu’une rigueur aux antipodes des solutions de gauche. Il était frappant de constater que les passages les plus applaudis, bien au-delà de Renaissance, tenaient à la formulation d’évidences répressives et d’une fermeté régalienne ne laissant aucune transgression sans réponse. Il a d’ailleurs cherché à s’attirer les suffrages de « la France qui doute », en s’engageant « à faire respecter l’autorité partout : dans les familles, dans les classes, dans les rues » ».

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Je ne suis pas crédule au point de m’abandonner sans réserve à une satisfaction citoyenne. Alors que la majeure partie de son intervention avait respecté retenue et correction à l’égard des oppositions, quel dommage que sur la fin, tombant dans la démagogie, il ait dégradé ce ton au sujet du RN en revenant sur sa collusion prétendue, ou en tout cas ressassée sans éléments nouveaux, avec la Russie. On aurait attendu plus de finesse de Gabriel Attal qui n’ignore sans doute pas, au fond de lui, que ces accusations renforcent l’adversaire qu’elles croient combattre. Je n’ai pas non plus été séduit par l’allusion finale à son homosexualité alors que j’aurais autant apprécié son discours s’il avait été hétérosexuel. Elle était inutile. D’une part la France n’était pas pionnière dans ce domaine à la fois intime et politique et d’autre part j’espère que cette confidence – qui évidemment a suscité l’enthousiasme de ses troupes ! – n’était pas une réponse malvenue à Mediapart qui lui avait reproché honteusement « une homosexualité non ostentatoire ». J’entends bien qu’à prendre l’intervention dans son ensemble, elle apparaît tel un inventaire, avec de multiples engagements et promesses, la relation d’un passé forcément embelli, une profusion de « je » destinée à manifester volonté et liberté, indépendance et énergie. Bien sûr, tout cela demeurera comme un déplorable exercice de style si rien ne vient s’incarner dans le réel pour le réparer, pour le transformer. Gabriel Attal, dans l’avenir, sera véritablement un homme d’Etat ou sera jugé comme un séducteur nous ayant payé de mots.

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Est-il possible de conclure ce billet sans stigmatiser une Assemblée nationale qui ne sait pas écouter dans le silence, qui s’exclame ou crie quand l’orateur intervient, qui dans un brouhaha constant donne un si piètre exemple de la vie parlementaire et contraint la présidente à solliciter le calme de manière d’ailleurs trop peu impérative ? Pour moi, Gabriel Attal n’a pas à s’abriter sous l’aile (bienveillante ou non) d’Emmanuel Macron. Il doit faire politique à part ! Sur ce plan je ne peux que reprendre les termes de mon billet du 7 janvier, quand il était encore ministre de l’Education nationale : J’ai peur pour Gabriel Attal !

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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