Pour quelqu’un qui connait ne serait-ce que vaguement l’histoire japonaise, il est particulièrement étrange d’entendre à longueur de journaux de la bouche d’experts de l’Archipel, sortis d’on ne sait quels placards, louer l’impressionnant sang-froid du peuple japonais à la suite du tremblement de terre de vendredi dernier comme un effet d’une culture ancestrale fondée sur le fatalisme et la discipline.
En 1923, lors d’un tremblement de terre qui fit semble-t-il plus de 100 000 morts, la population tokyoïte fut prise d’une panique telle qu’elle se mit à lyncher tout ce qui ressemblait de près ou de loin à un Coréen ou un Chinois, les étrangers étant accusés d’empoisonner les puits. Résultat de la fureur nippone: plusieurs milliers de morts. Beaucoup de ceux qui survécurent le durent à la protection de la police et de l’armée.
Le calme nippon d’aujourd’hui rappelle plus le sang-froid des New Yorkais après le 11-Septembre qu’un fantasmatique fatalisme qui trouverait sa source dans les gènes culturels des Japonais. S’il faut reconnaitre une seule vertu à la modernité, qu’elle soit japonaise ou occidentale, ce serait celle qui permet de confiner la violence des emballements mimétiques et lyncheurs à la sphère du virtuel et d’éviter ainsi les grandes chasses à l’homme qu’ont connues sans doute à peu près toutes les sociétés traditionnelles à la suite des catastrophes naturelles.
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