PRÉSOMPTION DE CULPABILITÉ
Jeudi 20 juin / Concernant le contentieux qui nous oppose actuellement, Frigide et moi, à la Régie immobilière de la Ville de Paris, notre avocat a été ferme dès le début : à lui de s’occuper du fond, c’est-à-dire de l’ « affaire Jalons », en réservant à la Justice la primeur de ses conclusions. À nous de dénoncer, pour la forme, les mauvaises manières à notre égard d’une presse qui, dans cette affaire, nous a mal traités en deux mots comme en un.
Dans le dossier d’accusation, sans surprise, tout nous accuse. Eh bien, la plupart des médias se sont contentés de présenter comme avérées les infractions qui nous sont reprochées, avant la décision du juge : présomption de culpabilité. D’autres, plus « citoyens », ont choisi d’en rajouter de leur cru sur nos escroqueries en couple organisé. Aucun ou presque n’a envisagé un instant l’hypothèse de notre bonne foi – sans même parler d’innocence, vous rigolez ou quoi ?
Quant à moi, face à l’épreuve, je resterai digne comme Job. Je sais très bien ce que ma femme a fait au Bon Dieu pour mériter ça ; mais moi, je n’ai rien fait ; alors est-ce que je pourrais juste garder mon étage[1. Nous habitons un luxueux duplex dans un «luxueux » de la luxueuse ville de Paris] ?
PLUS LE NIVEAU BAISSE, PLUS LE TON MONTE
Lundi 24 juin / Tellement vrai, cet aphorisme, et bien dit en plus ! Il figurait dans mon mille-feuille de post-it, amassés depuis dix ans avant d’être aimablement colligés par mon amie Nikki de La Fusacquière (qui aurait préféré garder l’anonymat). Mais en-dessous de la phrase, pas le moindre nom d’auteur, comme dans toute citation qui se respecte. Était-ce donc de moi ? Après enquête approfondie, au bout d’un an et un jour, j’ai décidé de m’approprier ce mot jusqu’à nouvel ordre (ou courrier des lecteurs).
Le plus subtil, réflexion faite, serait peut-être de l’attribuer en forme de clin d’œil à Marc Bloch, qui pratiquait lui-même cette sorte d’« intertextualité » à l’envers. À l’appui de ses thèses, il citait volontiers paraît-il un « proverbe arabe » dont il s’est avéré par la suite qu’il n’existait pas : « Nous ressemblons plus à notre temps qu’à nos pères. »
Mais revenons à mon dicton. Que le ton monte, nul ici n’en disconvient : Causeur hurle tous les mois contre ce danger ! Quant à la baisse du niveau, je m’en suis personnellement rendu compte quand on a commencé à me complimenter sur ma culture ; mon père aurait bien ri.
Comme quoi, décidément, Marc Bloch et les Arabes avaient raison !
J’AI D’EXCELLENTS AMIS INTELLIGENTS
Jeudi 27 juin / À propos de citations, j’ai fait mien – de façon pas tout à fait désintéressée – le mot de Barrès sur « l’intelligence, cette petite chose à la surface de nous-mêmes ».[access capability= »lire_inedits »] Une critique, plus pascalienne que poujadiste, de ce que nous vénérons aujourd’hui sous ce nom ; une façon surtout, pour moi, de ne pas faire trop de complexes vis-à-vis de mes amis plus intelligents que moi.
Parce que j’en ai connu, sans me vanter, par mes lectures et même en vrai, des gens comme ça ! Ce qui m’a étonné au début, ce n’était même pas qu’il y en eût, mais d’arriver à les reconnaître !
En vrai, c’est facile : ces gens-là sont tellement forts que je suis d’accord avec tout ce qu’ils disent ou écrivent, même sans avoir tout suivi. Simplement, il ne faut pas que j’entende juste après un contradicteur aussi convaincant…
Bien sûr, il y a des cas particuliers, comme celui de Marc Cohen. « Je ne veux pas qu’on me demande mon avis, dit-il volontiers quand il est de bonne humeur ; D’ailleurs, en général, je n’en ai pas ! » Quoi de mieux qu’un maître à penser qui vous envoie penser par vous-mêmes, si ça vous amuse ? En bouddhisme, ca doit être au moins du 7e chakra.
Il y a dans l’« intellolâtrie » une part d’irrationnel qu’il serait vain de se cacher. Mais à ce compte-là, que dire de Barrès et de sa prise de distance avec l’intelligence ? La formule de Maurice a beau me ravir, elle porte en elle-même ses propres limites : c’est pas un con non plus qui aurait trouvé ça !
LE DANGER ANTIFASCISTE
Dimanche 30 juin / C’est bien connu : l’« antifascisme » ordinaire n’est jamais si florissant qu’en l’absence de fascisme, ou même de danger éponyme. C’est aussi ça, l’exception culturelle française : on a plus hurlé au loup contre de Gaulle en 1958 que contre Pétain en 1940.
Pour tenir lieu de « danger fasciste », aujourd’hui en France, qu’avons-nous donc en magasin ?
Une poignée de groupuscules genre « pack de 12 », ultra-fliqués, qui ébranlent la République dans des cabines téléphoniques. Et puis Le Pen bien sûr, et Boutin, Copé, Guaino, Barjot, Mariton, Peltier – et pourquoi pas Mgr Barbarin ?
On s’arrêtera avant Mme Agacinski, par respect pour son mari, et parce que Le Plus du Nouvel Obs l’a convenablement dédouanée : elle n’aura été, dans cette affaire, que « l’idiote utile des intégristes ».
Et l’alliance UMP-FN, vous me direz ? Mais voilà vingt-sept ans qu’on nous tympanise avec le danger imminent de ce rapprochement « contre-nature ». Eh bien, si ça arrive vraiment, voulez-vous que je vous dise ? C’est qu’entretemps les emballages UMP et FN auront vraiment changé de produit, comme on l’a cru pour le Furosémide – mais avec en plus l’accord des patients.
Stratégiquement parlant, je pense comme Buisson que les appareils UMP et FN sont de plus en plus en situation de concurrence, et sûrement pas d’alliance.
Pour prospérer sur les ruines de l’UMP, prophétisait Zemmour en 2012, le FN aurait besoin d’un succès de la gauche au pouvoir ! Autant dire qu’on n’y est pas…
Et même si, dans la pire hypothèse, quatre ministres « bleu Marine » entraient un de ces jours au gouvernement Copé, la République ne serait toujours pas en danger !
Le « fasciste » d’aujourd’hui, le vrai, est très bien défini par James Stewart dans La Classe américaine : c’est celui qu’ « on peut pas tolérer parce qu’il tient des propos intolérables où y’a pas de tolérance ! » Dans le film d’Hazanavicius, c’était hilarant ; là, ça l’est moins, ne serait-ce que parce que c’est sérieux.[/access]
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