Friedrich Wilhelm Murnau, le plus grand cinéaste de l’ère du muet selon Chaplin, a donné naissance, le 5 mars 1922, à Nosferatu. Un film révolutionnaire grâce auquel les vampires se sont imposés dans le septième art.
« Je me sens très proche de Murnau. C’est mon metteur en scène préféré. Je le place bien au-dessus de Fritz Lang. Nosferatu est le plus visionnaire de tous les films allemands. Un film prémonitoire qui a prophétisé l’arrivée du nazisme en montrant l’invasion de l’Allemagne par Dracula et ses rats porteurs de peste. Il a donné une légitimité à notre cinéma qui fut perdue à l’époque d’Hitler. C’est en cela que ce film revêt pour moi une telle importance. » Ainsi s’exprime en 1979 un autre mythe du 7e art allemand, Werner Herzog, à l’occasion de la sortie en salles de son fidèle remake baptisé Nosferatu, fantôme de la nuit, qui met en scène le duo vedette Klaus Kinski-Isabelle Adjani.
Né en Westphalie en 1888, Murnau se passionne toute sa vie pour les réprouvés, les déclassés, les marginaux et tente de les sublimer dans ses longs-métrages, sans doute pour mieux exorciser une homosexualité honteuse et coupable dans une société germanique survalorisant les vertus viriles, machistes et autoritaires. Du bossu de son film éponyme aujourd’hui perdu (Le Bossu et la Danseuse) à la jeune Tahitienne Reri, déclarée prêtresse sacrée par sa communauté de Bora-Bora, donc vierge pour l’éternité (sublime Tabou, le plus beau film du monde selon Rohmer) en passant par le portier humilié, le Dernier des hommes, et bien entendu le comte Orlok, Nosferatu, prisonnier malgré lui des forces des ténèbres, la magnifique constellation de ces damnés de l’Histoire marque à tout jamais les imaginaires.
Film nimbé de mystères
On doit la paternité du film à Albin Grau, producteur, décorateur, costumier et architecte allemand, par ailleurs féru d’occultisme. Durant la Première Guerre mondiale, un paysan serbe lui aurait raconté une terrible histoire de vampire en lui confiant que son propre père était un authentique mort-vivant ! De retour du front, il fonde Prana Film avec un autre passionné de magie et de surnaturel, Enrico Dieckmann et tous deux envisagent de se lancer dans la réalisation de films fantastiques. Adapter Dracula, le best-seller de l’irlandais Bram Stocker, publié en 1897, semble alors une évidence mais devant le peu de moyens dont dispose leur société naissante, il leur faut trouver une parade afin de contourner les coûteux droits d’auteur.
