(AFP) – Des prières, des conférences et surtout beaucoup de shopping: la Rencontre annuelle des musulmans de France (RAMF) a accueilli dès vendredi plusieurs milliers de visiteurs au Bourget près de Paris, carrefour de croyants bien décidés à surmonter les attentats djihadistes de janvier.
Plus de 170.000 entrées cumulées, pour environ 50.000 visiteurs individuels, sont espérées durant quatre jours au Parc des expositions du Bourget (Seine-Saint-Denis) pour la plus importante manifestation musulmane d’Europe, qui tient à la foi de la foire commerciale et du congrès politico-religieux.
La RAMF, qui en est à sa 32e édition, est organisée par l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), la franchise française des Frères musulmans qui, avec ses 250 associations, revendique une place pour l’islam dans la sphère politique et sociale. Mais l’influence de cet événement dans la première communauté musulmane d’Europe (environ 5 millions de membres) va bien au-delà du cadre « frériste », avec des participants de sensibilités très diverses, des profils les plus institutionnels voire laïques aux ultra-conservateurs proches des salafistes.
Une grande partie des visiteurs, qui viennent parfois de loin, sont attirés par l’immense foire où s’écoulent, sur plus de 20.000 mètres carrés et dans un joyeux brouhaha, livres religieux dont les ventes sont en plein boom, vêtements islamiques sous toutes leurs formes et produits orientaux. Sans compter des pavillons d’information pour les jeunes et les familles, un village humanitaire, des expositions, un concours de mémorisation du Coran…
« J’aime la France, Paris, parce qu’il y a Le Bourget », confie à l’AFP Souraya Fradi, une Tunisienne d’une petite trentaine d’années venue de Nanterre, le visage entouré d’un hijab (voile), à la sortie de l’espace de prière aménagé dans un vaste hall. « Tous les ans on vient tous les jours, pour le shopping, les conférences des imams, le soutien aux associations humanitaires qui font des efforts, notamment sur la Syrie ».
« Pour nous la foire, c’est une communauté, l’idée que nous ne sommes pas seuls », abonde son mari Rached, qui trouve cette unité bien utile alors que l’image de sa religion a été « touchée » par les attentats de janvier contre le journal Charlie Hebdo et le supermarché Hyper Cacher.
Venu de Toulouse, Younès Kettani, 32 ans, juge lui aussi précieux ce « lieu où les musulmans de France peuvent se rencontrer. Il n’y a pas beaucoup d’événements de ce style ». « C’est assez représentatif de la communauté musulmane, on s’y retrouve. Quand c’est trop radical, c’est pas ce qu’on recherche », assure-t-il.
Un fil rouge traverse les rencontres et débats de cette année: « Mohamed, prophète de miséricorde et de paix ». Le thème a été choisi bien avant les attentats menés au nom du djihad les 7 et 9 janvier. Mais « ça tombe bien », reconnaît le président de l’UOIF, Amar Lasfar. « On parlera justement des caricatures, des réponses théologiques et légales que l’on peut y apporter », explique-t-il. Vendredi soir, plusieurs « cheikhs » et autres dignitaires musulmans égyptien, koweïtien, russe, marocain, américain ou français ont d’ailleurs lancé la rencontre en professant leur « amour » pour Mahomet.
Dans un paysage musulman pressé par le gouvernement de se réorganiser face à la radicalisation djihadiste, l’UOIF profitera de cette vitrine sans rivale pour consacrer sa démarche de rapprochement avec une vieille fédération concurrente, la grande mosquée de Paris, liée à l’Algérie. Son recteur, Dalil Boubakeur, par ailleurs président du Conseil français du culte musulman (CFCM), s’est xprimé au Bourget samedi après-midi.
Une rencontre bien utile pour le mouvement « frériste », qui a pu paraître dans une mauvaise passe ces dernières semaines après plusieurs polémiques et les propos du Premier ministre Manuel Valls contre « l’influence » des Frères musulmans.
*Photo : © afp.com / Thomas Samson
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