Sur le modèle des Lettres Persanes de Montesquieu, Jacques Aboucaya et Alain Gerber publient un roman épistolaire dans lequel ils échangent leurs impressions de voyage dans deux pays imaginaires: la Phéraizie et la Zapockie…
Ces voyages se révèlent non seulement plein de pittoresque et de surprises pour deux Français, mais surtout extrêmement instructifs. Nos deux voyageurs ne se lassent pas de relever les étranges mœurs, les lubies, les fausses audaces et les extravagances de ces peuples et de leurs dirigeants. Mais, petit à petit, ils découvrent ou, plutôt, ils font découvrir au lecteur que Zapockie et Phéraizie ne sont que des métaphores de la France d’aujourd’hui !
Toute ressemblance avec la France…
Voulez-vous un exemple ? En Zapockie, les dirigeants, les intellectuels, les penseurs du pays se sont penchés avec passion sur un problème sérieux et compliqué: donner aux jeunes gens l’égalité des chances pour réussir leur vie d’adulte. Réunis en congrès, les pédagogistes locaux ont pondu une motion imparable: « Les épreuves auxquelles on soumet les candidats constituent le principal obstacle à l’obtention de diplômes ! » En supprimant les examens et les concours, les Zapoks ont permis au plus grand nombre d’obtenir le diplôme sans lequel on ne saurait trouver un emploi. Evidemment, ce n’est pas en France que l’on supprimerait, par exemple, les épreuves du bac au profit du contrôle continu afin de parvenir au mot d’ordre bien connu : « 80 % d’une classe d’âge doit avoir le bac ! » En 2020, on y est même parvenu à plus de 90% !
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Avec les deux voyageurs, Calixte et Ganymède, on circule ainsi dans deux pays qui semblent tour à tour l’incarnation du royaume d’Absurdie pour finalement découvrir que c’est tout des sottises, des ridicules, des naïvetés de la société actuelle de notre Hexagone qu’il s’agit. La relation amusée ou admirative se transforme, au gré des découvertes, en satire cruelle, mais sans jamais perdre la bonne humeur et une parfaite distinction de la forme.
Là où tant d’auteurs ou de chroniqueurs y vont de leur indignation vertueuse ou du coup de gueule violent, Jacques Aboucaya et Alain Gerber vont jusqu’au bout de leur propos sans perdre leur sens de l’humour pimenté d’une malice supérieure qui régale le lecteur. Un peu comme le gourmet qui identifie avec bonheur les ingrédients du plat dont il se régale.
…serait purement fortuite
Encore un exemple ? Un philosophe phéraizien qui fait autorité dans son pays, type Sartre ou BHL, a imprimé dans les cerveaux du peuple et des dirigeants la maxime suivante : « Le Bien, le Beau et le Vrai sont une seule et même chose. Dès lors, une vérité qui n’est pas bonne à dire ne procure aucun bien et n’est donc pas belle et, par conséquent, elle n’a aucune chance d’être vraie ! » Après avoir étouffé un rire pantagruélique, on se prend à frissonner en pensant que cette sentence a engendré le fameux : « Pas d’amalgame ! »
Ne pas imaginer qu’avec ce livre on a affaire à un manuel ou un traité. Non, il s’agit d’un roman avec des personnages, des dialogues et des péripéties. On ne s’ennuie jamais, on ne voit pas le temps passer comme au cours d’un bon repas. Ces tacos qui ne sont plus mexicains mais « french » et véritables offrent une dégustation de gourmet sous leur pâte « latino ».
Au véritable french tacos, Jacques Aboucaya & Alain Gerber aux Editions Ramsay
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