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Melting pot américain

« Fremont », un film de Babak Jalali, en salles le 6 décembre


Melting pot américain
Anaita Wali Zada et Jeremy Allen White, "Fremont" (2023) de Babak Jalali © JHR Films

Dans un film d’une grande douceur, un cinéaste iranien en exil nous conte la vie d’une Afghane en exil travaillant dans une fabrique de fortune cookies


Film en noir et blanc, image format carré (4/3), plans fixes, exclusivement : Fremont – le nom du bled californien proche de San Francisco fournit le titre – cumule tous les attendus du cinéma indépendant US. Fremont a d’ailleurs obtenu le Prix du Jury au Festival du cinéma américain de Deauville, cette année.

Loin des Talibans

Simple employée dans une petite fabrique de cookies tenue par une famille asiatique, Donya, 20 ans, servait de traductrice aux troupes américaines en Afghanistan ; à l’heure de la défaite, elle a eu la chance de pouvoir fuir Kaboul à temps et d’être exfiltrée aux Etats-Unis par l’armée, échappant ainsi de justesse à la vengeance des Talibans vis-à-vis des « traîtres ». « Je serais allée n’importe où, au Salvador, en France, en Espagne ! ». Depuis, elle dort mal – comme nombre de ses compatriotes traumatisés par le totalitarisme islamiste et par l’exil consécutif. Inutile de préciser que la belle Donya ne porte ni abaya, ni tchador, ni burqa, ni voile.

Anaita Wali Zada (c) JHR FILMS

Par un subterfuge, elle obtient une consultation chez un psy, son seul but étant d’obtenir du praticien une ordonnance pour des somnifères. Mais le psy consent de bonne grâce à multiplier pour elle les séances à titre grâcieux, quitte à déroger au protocole… Lisant à la jeune fille des passages de son livre favori, Croc Blanc, le roman de Jack London, il trouve lui-même son compte dans cet exercice où deux solitudes en viennent à se comprendre. Tandis que Donya, par ailleurs, se lie à l’une de ses collègues de travail, une marginale, grassouillette à piercing, qui tente elle-même de trouver l’âme sœur dans d’improbables rencontres en ligne. Chargée jusqu’alors de rédiger les petits messages prédictifs recélés dans l’emballage des cookies, la vieille mère du patron décède brusquement, la tête fichée dans son clavier d’ordinateur : le patron propose alors à Donya de la remplacer dans cette tâche. Elle s’en acquitte avec beaucoup de talent. Sur l’un de ces minuscules bouts de papiers elle a inscrit son numéro de téléphone… Opportunité d’une rencontre, au bout du chemin ?

Regard ironique et distancé

Sans mièvrerie, Fremont distille non sans malice une empathie rafraîchissante pour ses personnages (voire même indulgente pour ce qui est de l’épouse du patron, cantonaise revêche et rapiate), portant sur les illusions du « rêve américain » un regard ironique et distancé. Iranien exilé en Angleterre, Babak Jalali, dont c’est le quatrième long métrage, a su écrire, aidé de sa scénariste Carolina Cavalli, un film très cohérent sur le plan formel, mais surtout marqué du sceau de la bienveillance – chose assez rare dans le cinéma, en 2023. Par les temps qui courent, cette douceur est bonne à prendre.

Fremont. Film de Babak Jalali. Etats-Unis, noir et blanc, 2023. Durée : 1h31. En salles le 6 décembre 2023.  




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