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Frédéric Berthet ressuscite en librairie

On réédite le premier livre de Frédéric Berthet


Frédéric Berthet ressuscite en librairie
Frédéric Berthet. La Petite Vermillon/DR.

On réédite Simple journée d’été, le premier livre de Frédéric Berthet, auteur culte de Daimler s’en va, mort en 2003.


 « Ma vie ne me semble parfois n’avoir été jusqu’à présent qu’une tentative pour prendre des notes en vue d’une autre vie – dont celle-ci ne serait que le brouillon » écrit un des personnages de Simple journée d’été, le premier livre de Frédéric Berthet (1954-2003). Il s’agit d’un recueil de nouvelles paru en 1986 et réédité aujourd’hui à La Table Ronde. Est-ce que l’œuvre de Frédéric Berthet (1954-2003) peut être considérée comme une simple prise de note, voire un brouillon ?

Le mythe Berthet

Il paraîtrait, de plus en plus, que non. Les années passent et Frédéric Berthet devient tranquillement un mythe, ses livres sont des mots de passe pour les membres d’une société de moins en moins secrète. On y perdra le plaisir du dandysme mais on aura celui du partage. Ce n’est pas mal non plus, le partage. Parce que Berthet est un grand écrivain, pas seulement un de ces auteurs mineurs un peu doués qu’on aime simplement par goût. Non, la façon dont Berthet voit le monde est unique en son genre, comparable à aucune autre : elle se caractérise par la poésie et la malice et surtout ce décalage imperceptible entre l’image et le son comme si le réel était trop souvent un film mal synchronisé. Sans compter que l’on reconnaît Berthet au bout de trois lignes, ce qui est en plus la meilleure définition du style.

Simple journée d’été met en scène des jeunes gens fantasques et érudits, portés sur l’alcool, les jeunes filles, les maisons de famille à la campagne et les villas au bord de la mer dont on ne sort pas parce qu’on préfère regarder le monde du haut d’un arbre à travers des jumelles et tenir des conversations plaisamment absurdes par talkie-walkie avec des cousines qui bronzent dans des chaises longues.

« Cette fille n’était pas Goethe »

Tout ce petit monde est insupportablement doué, insupportablement drôle, insupportablement triste – mais ça, il ne le montre jamais, il se contente de brèves crises d’angoisse. On s’en fait assez vite des amis, à vrai dire. On cherche avec eux à percer quelques secrets tout de même essentiels : pourquoi la musique des génériques de James Bond agit sur certaines personnes comme un calmant ? Le langage a-t-il été uniquement inventé pour dire le malheur ? Est-il envisageable de ne rien faire du tout d’une journée comme Goethe le laisse entendre dans son journal et comme cette « fille qui aimait tellement dormir que lorsqu’elle ne dormait pas, la seule chose qu’elle aimât vraiment, c’était regarder les autres dormir, même au début de l’après-midi » ?

Les garçons de ses amis, qui sont tous un peu amoureux d’elle, ont même créé un club « assez fermé » cet été-là pour étudier ce qu’elle faisait quand elle ne dormait pas : «  Moi, j’étais d’avis que cette fille n’était pas Goethe. D’abord parce qu’elle portait des ballerines roses qu’elle balançait au bout de ses pieds, assise dans le grand fauteuil d’osier d’où elle regardait les gens dormir sur les grands canapés d’osier. Ensuite parce que, entre ses ballerines et le bas de son jean corsaire, il y avait des chevilles brunies qui ne cessaient, visiblement, de s’inscrire pour une course le long de la plage déserte. »

La plus jolie fille du coin

Vous pourrez mesurer, au passage, ce qui fait le style de Berthet : un oeil absolu – comme il y a en musique une oreille absolue -, un cadencement de la phrase qui nous amène où elle veut, nous égare insensiblement dans une atmosphère faussement saganesque qui va  glisser de manière tout à fait naturelle dans le fantastique.

On finit par admettre ainsi comme allant de soi d’arrêter sa voiture en pleine campagne la nuit près d’une cabine téléphonique, et d’avoir le diable au bout du fil qui vous renseignera obligeamment sur le chemin à prendre afin d’amener la plus jolie fille du coin, qui attend à l’intérieur, à une fête qui sera peut-être la dernière.

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