Frédéric Beigbeder, si j’en crois les critiques, débute là où finit Woody Allen. Comme ils n’ont pas toujours apprécié Midnight in Paris, l’éloge est ambigu. D’ailleurs, avec Frédéric les compliments sont toujours ambivalents : on lui reconnaît tous les dons, mais on chipote sur l’usage qu’il en fait : pas assez d’épaisseur romanesque, trop de frivolité et d’autodérision, un dilettantisme affiché sauvé par quelques formules dont on ne sait si elles sont glanées dans les agences de pub ou chez les meilleurs moralistes français.
Ce qu’on ne souligne pas, c’est que Frédéric Beigbeder est d’abord un remarquable cinéaste, bourré d’idées visuelles, soignant ses dialogues, trouvant toujours le bon tempo, dirigeant ses acteurs avec subtilité, surprenant à chaque plan le spectateur et le séduisant avec une grâce innée. Romantique ? Cynique ? Ni l’un, ni l’autre, même quand il joue sur les deux tableaux. Simplement à bonne distance, tout en donnant l’illusion qu’il se dévoile entièrement. Il a trouvé en Gaspard Proust un alter égo épatant et en Joey Starr un comparse qui emporte le morceau.
La plupart des écrivains qui se lancent dans le cinéma font des films prétentieux et ratés, ratés parce que prétentieux. Si Frédéric Beigbeder a réussi L’Amour dure trois ans, c’est parce qu’il a choisi la voie inverse : celle de la légèreté, saupoudrée d’un sentimentalisme à la Michel Legrand et d’un hommage à l’un des plus grands écrivains vivants : Paul Nizon.
Il n’a pas tourné un film nombriliste : il s’est coulé dans une forme romanesque parfaitement adaptée à ce que le cinéma français a de meilleur : le badinage amoureux, légèrement licencieux et toujours plaisant, tels qu’Eric Rohmer, hier, ou Emmanuel Mouret, aujourd’hui, le pratiquent. Avec une touche de snobisme intellectuel et parisien en plus, qui lui appartient en propre et qui n’est jamais complaisant. Il nous manquait en France un Woody Allen. Réjouissons-nous : nous l’avons enfin !
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