Avec ses mains tachées d’encre et sa barbe de trois jours, François-Xavier de Boissoudy, 48 ans, ressemble plus à un artisan qu’à un peintre de salon. Dans une remarquable exposition à la Galerie Guillaume (8ème arrondissement), le peintre chrétien présente une série d’encres sur papier sur le thème de la Résurrection. Et parvient l’exploit de renouveler un motif classique de l’art sacré, sans tomber dans les travers de l’abstraction contemporaine.
La rencontre de Madeleine et du Christ, au matin de la Résurrection est, de l’aveu même de l’auteur, sa pièce la plus réussie (illustration). On y voit Jésus tendre les mains vers l’ancienne prostituée qui s’élance vers lui, pleine de la joie de l’aube et du pardon. « Noli me tangere », ne me touche pas, dit le Sauveur à celle qui voudrait l’éteindre. Leurs deux silhouettes unies dans un face-à-face impossible et mystérieux, se regardent avec amour dans la nature foisonnante du jardin de Gethsémani. D’autres toiles méritent qu’on s’y arrête. « Jérusalem » présente un sombre Golgotha devant la ville sainte aux murailles rosées. Au dessous, un puits de lumière évoque le caveau où survient le mystère des mystères. Sublime intuition que d’avoir voulu représenter le moment même où survient la Résurrection, dans un flash lumineux sous la ville endormie.
Joie. Mélancolie. Ombres et lumière. Madeleine pleurant à l’intérieur du tombeau. Madeleine riant s’élançant hors du caveau annoncer la bonne nouvelle. Pierre et Jean courant dans l’aube sous un grand arbre frissonnant. Jésus serviteur, faisant griller des poissons sur le bord du lac de Tibériade pour ses disciples incrédules. Les pèlerins d’Emmaüs rappelant le Christ, qui « fait semblant d’aller plus loin », pour leur laisser la liberté de le retenir. Le Christ se tenant devant le tombeau, face à l’homme, dont le visage, troublante tache faite d’encre et d’eau semble habitée d’une profonde humanité.
Toutes ces scènes qui suivent la Résurrection, tirées de l’Evangile, sont des scènes de rencontre. De face-à-face entre le Dieu ressuscité et l’homme. Joie, tristesse et incrédulité se lisent sur les visages à l’annonce du tombeau vide. Rencontres qui permettent au peintre de transmettre sa propre rencontre avec le Christ, dont il tire la substance et le sens de son travail artistique.
Loin d’un art conceptuel qui prétendrait forcer à l’interrogation métaphysique, François-Xavier Boissoudy fait de son pinceau le simple relais de sa joie intérieure. Sa technique elle-même témoigne de l’humilité de sa démarche, la seule qui convienne à l’art sacré. Cette technique de lavis qui fait sa marque, permet de laisser surgir sur la toile, à mesure que l’encre et l’eau se rencontrent, des visages et des formes étonnantes. « J’aime être obéissant », confie le peintre. Contre l’abstraction contemporaine qui nie la réalité, il veut « témoigner d’une sacralité vivante ». L’esthétique parfois cinématographique de sa peinture n’est pas sans rappeler la mystique d’un Terrence Malick, où le symbolique et l’incarné ne s’opposent pas mais se répondent.
Un peu de rouge et de bleu mélangé à l’encre noire et sépia lui suffisent pour faire surgir la grâce. « J’ai voulu peindre l’irruption de la lumière dans le monde », dit le peintre.
On n’allume pas une lampe pour la mettre ensuite sous le boisseau. S’il est une phrase de l’Evangile qui résume l’art de Boissoudy c’est celle-là.
Résurrection, du 9 avril au 30 mai, Galerie Guillaume, 32, rue de Penthièvre (Paris 8ème). Du mardi au samedi de 14h à 19h.
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