Tête de liste LR aux prochaines élections européennes, François-Xavier Bellamy accuse la majorité macroniste de tenir un double langage sur l’agriculture, en soutenant à Bruxelles une réglementation qui étouffe les paysans, tout en prônant à Paris une simplification censée les soulager.
Causeur. La politique absurde de Bruxelles, qui impose aux agriculteurs européens un empilement de normes dont les importateurs étrangers sont exemptés, est au cœur de la révolte paysanne de cet hiver. Comment expliquer de telles aberrations ?
François-Xavier Bellamy. Elles s’expliquent par une idéologie de centre gauche, dont le macronisme est l’un des supplétifs, et qui vise à la décroissance européenne – avec pour effet de fragiliser tous ceux qui produisent en France – tout en ouvrant « en même temps » le continent à tous les vents de la mondialisation. D’où ces normes, aussi nombreuses qu’anarchiques, voire contradictoires, sans cohérence entre elles, qui finissent par engendrer de l’insécurité et de l’instabilité. Tandis que l’ouverture des marchés, elle, crée des inégalités en termes d’exigence entre producteurs et importateurs, et fausse la concurrence. J’ai un exemple très concret en tête. En novembre dernier, le groupe macroniste au Parlement européen, par la voix de Pascal Canfin, a défendu la loi sur la « restauration de la nature », qui implique la diminution des surfaces agricoles et accentue encore la perte d’autonomie alimentaire.
Quelle est la position de votre groupe sur cette loi ?
Nous ferraillons contre elle, et sommes accusés pour cela d’être des « trumpistes européens ». Pascal Canfin n’a d’ailleurs pas eu de mots assez durs à notre encontre. On ne peut qu’admirer la facilité et la plasticité avec laquelle la Macronie a retourné, depuis, ses éléments de langage… Reste le moment de vérité. L’accord trouvé sur cette loi doit être voté dans quelques semaines à Strasbourg. Nous continuerons de nous y opposer. Quid de Renaissance ?
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Les agriculteurs évoquent aussi souvent la question de la « surtransposition des normes » (qui consiste à transcrire un texte européen dans le droit national en y ajoutant des contraintes supplémentaires), sorte de malheurs de la vertu appliqués au monde agricole…
Cette surenchère de pureté, visant à s’afficher comme le meilleur élève de la classe Europe, a des conséquences délétères pour les producteurs puisque cela augmente les coûts et les prix tout en faussant la concurrence. Par exemple, on autorise en Belgique certains produits phytosanitaires, tels que les néonicotinoïdes pour la betterave sucrière, mais on les interdit en France. Alors que ces deux pays sont sur un même marché, qui n’a pas de frontières, pas de barrières, pas de droits de douane. Par ces décisions absurdes, nous détruisons notre économie. Le pire est que, depuis 2019, nous avons la preuve qu’une telle politique nous mène à l’impasse.
Comment cela ?
C’est à partir de cette année là que la balance commerciale de la France est devenue déficitaire sur les produits alimentaires. On est sauvé par le vin et les spiritueux qui permettent encore de maintenir la balance agricole globale, mais aujourd’hui nous sommes devenus dépendants en ce qui concerne notre alimentation. C’est un signal d’alarme terrible.
Alors que faire ?
Commencer par des choses simples. D’abord, ne jamais importer en Europe ce qui est interdit d’y produire, ou ce qui ne respecte pas les normes imposées aux producteurs européens. Ensuite, ne jamais imposer à Paris une règle plus exigeante que celle qui est imposée par Bruxelles. Enfin exiger un moratoire réglementaire sur les normes environnementales, afin de faire l’inventaire, puis de supprimer quelques couches du mille-feuille.
Ne faut-il pas reconnaître que le gouvernement a quand même entendu les agriculteurs ?
Ceux-ci ont commencé à essayer de se faire entendre avec un mouvement non dénué d’humour consistant à retourner les panneaux d’entrée des villes pour symboliser le fait que l’on marchait sur la tête. Qui a repris leurs revendications ? Qui a entendu leur désespoir ? S’ils ont réussi à se faire entendre, c’est parce qu’ils ont fini par quitter leurs exploitations pour mettre vraiment la pression sur le gouvernement. C’est la peur qui fait réagir ce pouvoir et le rend un peu plus à l’écoute. Mais pour combien de temps ? Le problème, c’est que répondre aux demandes des agriculteurs demande de la constance, de la clarté et la capacité à inscrire une action dans la durée. Or la Macronie se caractérise par une grande fluidité. Est-ce que le gouvernement est prêt, à Paris comme à Bruxelles, à changer de cap, à abandonner une logique de suspicion et de contrôles tatillons pour redonner de la confiance aux agriculteurs ? S’il ne le fait pas rapidement, nous courrons le risque d’asphyxier notre agriculture, comme nous avons déjà asphyxié notre industrie.
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Vous paraissez douter de la bonne volonté du gouvernement…
La crise que nous connaissons est liée à une idéologie de la décroissance, qu’explique très bien la stratégie « Farm to Fork » (« de la ferme à la fourchette ») de la Commission européenne. Selon des études américaines, néerlandaises et même européennes, cette stratégie aura pour conséquence de geler 10 % de la surface agricole utile, de faire baisser fortement la production agricole de 15 % environ, et d’augmenter les prix tout en faisant baisser les revenus des agriculteurs. Or les élus Renaissance ont complètement adhéré à cette démarche, qu’ils ont promue et soutenue, tandis qu’Anne Sander, ma collègue LR membre de la commission de l’agriculture au Parlement européen et moi-même combattions cette stratégie et ses conséquences, telles que la loi « Restauration de la nature ». Le gouvernement Macron va-t-il cesser d’avoir un double langage, de désavouer en France ce qu’il soutient à Strasbourg et à Bruxelles ? Rien n’est moins sûr.