Nouvelles acides


Nouvelles acides
(Photo : SIPA.AP21443968_000001)
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Ce garçon est fou ! Il va avoir des problèmes. Que fait la police de la pensée unique ? On n’a pas idée d’écrire des nouvelles aussi tordantes et dérangeantes. Enfilades, son dernier recueil aux Editions du Rocher marine dans l’humour noir et la détestation des valeurs humanistes. Sans aucune limite, François Marchand s’attaque à tous les pans de la bien-pensance. Patiemment, avec rigueur, méthode aussi, il pilonne tout ce qui fait sens dans nos sociétés engluées dans la paranoïa de la transparence et du politiquement correct. Déjà, en 2013, dans Cycle mortel  paru chez Ecriture, il avait fait dérailler le modèle républicain qui reposait alors sur la pratique « imposée » du deux-roues en ville. Ce roman d’anticipation était désopilant de sectarisme et de bouffonnerie. Le vélo comme avant-garde de la dictature moderne et l’homo festivus, atroce parangon de vertu, avaient de quoi glacer le sang de tous ses lecteurs.

Marchand récidive dans l’atomisation des bons sentiments qui finissent par nous anéantir, nous engloutir même. Il se régale d’une époque qui fustige les victimes et réconforte les agresseurs, qui, à force d’expliquer, met le feu. Derrière ces six nouvelles délirantes, l’écrivain pose un regard amer, désabusé et parfois suicidaire sur nos pires travers. Notre fameux « vivre ensemble » a du mou dans la gâchette. Sale gosse et plume féroce, Marchand appuie toujours là où ça grince, ça bloque et ça dévisse. Les écolos, les bobos, les gogos ne vont pas du tout aimer ce ton narquois, cette hargne contre un monde juste et solidaire. Les autres, les mal-pensants, en redemandent, que le carnage de nos pitoyables idoles dure encore ! C’est l’hallali chez les béni-oui-oui ! Un grand défouloir qui réjouit en ces temps d’omerta où la parole est calibrée comme une tomate OGM.

Desproges sort de ce corps !

Dans la première nouvelle, Tourisme équitable, un pied nickelé invente une agence de voyages « Horizons extrêmes » au catalogue finalement pas si ubuesque que ça : « Tout ce qu’il fallait pour appâter le cadre supérieur parisien inculte avide de voyages dérangeants et loin des sentiers battus : « Trek à la recherche du Grand Mogol » ; « Randonnée à dos de mulet dans les vallons philippins » ; « Splendeurs birmanes en 4 x 4 électriques et équitables » ». Desproges sort de ce corps. Marchand ne recule devant aucun totem de notre civilisation : le cosmopolitisme, l’égalitarisme, le consumérisme, etc. Un véritable strike chez les donneurs de leçons qui pullulent depuis trop longtemps, sur les plateaux de télé et ailleurs. Dans une autre nouvelle intitulée Le concours, il met en scène Crouzet, un attaché parlementaire harcelé par son supérieur qui va accéder à l’ascenseur social d’une manière fort peu orthodoxe.

Avec Marchand, tout le monde en prend pour son grade : les politiciens, les affairistes, les professionnels de la pétition et toutes les bonnes âmes qui coagulent dans l’hypocrisie. La veulerie de Lateuil, haut-fonctionnaire, est particulièrement jouissive : « Il y a un secret dans la vie, il n’est pas très compliqué : ce qu’on veut (ce qu’on veut vraiment), on l’obtient. On parle d’inégalité des chances, d’injustice, mais quand on demande à tous les pleureurs ce qu’ils veulent, ils ne le savent pas ». Marchand imagine même une femelle gorille à l’Elysée, une invasion d’abeilles ou le journal de jungle d’Ingrid B. Dans le conformisme ambiant de l’édition, le mauvais esprit de ces six textes vient secouer le cocotier. Toute ressemblance avec des personnes ou des situations ayant existé serait pure coïncidence. Enfin, je crois…

Enfilades, François Marchand, Ed. du Rocher, parution le 8 avril 2016.

Enfilades

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Cycle mortel

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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