Bien sûr que si! est paru le 5 mars 2020 aux Editions de Paris-Max Chaleil…
Un frou-frou de papier, d’ailes ou de nuages. Un bouquet de marguerites. Un encrier deviné. Nuits blanches de pages que le ventilateur emporte. La première de couverture, telle une coupe de champagne, est promesse d’ivresse. Je t’ai quittée pour mieux te chanter. Parce que je t’aime dans la seule maison que je sache habiter : une maison de mots. Peu importe ton nom : « Je t’apporte l’enfant d’une nuit d’Idumée. »
Une autobiographie amoureuse, fictive ou réelle
François Kasbi, connu pour son Bréviaire capricieux de littérature contemporaine pour lecteurs déconcertés, désorientés, désemparés (Les Editions de Paris-Max Chaleil) nous offre ici, dans Bien sûr que si ! paru en mars aux mêmes éditons, une autobiographie amoureuse, fictive ou réelle. Celui qui dit « je » lui ressemble comme un frère : un fou de littérature qui croit – rien de plus vrai ! – que la vie est un roman. Elle s’appelle Clarisse. Elle est la poésie du monde. Le clair de terre pour cet amoureux de la nuit.
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Le texte apparaît par vagues ourlées : un décousu fait main tout d’une pièce. La première partie, c’est le récit d’un amour « en plein cœur fait de bric et de broc » — la vie d’une étudiante et d’un écrivain, – dans un Paris en noir et blanc délicieusement inactuel. Ce sont les dîners et les promenades. Ce sont les livres, surtout, offerts, lus ensemble, pris dans la librairie de lui, auxquels l’histoire renvoie, encore et toujours, faisant de ce livre un véritable bréviaire amoureux, avec ses heures d’émerveillement et d’harmonie, puis les dissonances et la rupture – voulue par lui. Rien que de banal : mais tout cela est dit avec délicatesse et humour, avec poésie. La modernité nous a habitués à ne pas faire d’analyses quand nous parlons d’amour. Quelques mots suffisent : « la vie, ce n’est pas la littérature ». La première vague narrative se brise, après cinq ans d’absence, sur une réflexion ironique : « Je vais tourner la page, renouer avec le vivant. » Le vivant ? L’auteur ne l’a jamais quitté lors même que Clarisse lui avait donné – belle performance ! – le goût de la monogamie. La deuxième partie fait un catalogue romanesque des amours contingentes. La « maison de mots » (l’expression est de Bernard Frank) « des années Clarisse » va-t-elle devenir un tombeau littéraire ? Non, car Clarisse est une assurance pour la vie.
Dame littérature
Dans ce roman, on l’a compris, la dame élue, c’est la littérature. Le chevalier a relevé le gant : le défi qu’il s’était lancé « d’écrire Clarisse ». Il a remporté la manche et la belle. Le style est souple, alerte, poétique et cocasse. Il y a surtout de la tendresse, de l’humanité : là en est tout le prix non dans une prouesse technique. Mais, direz-vous, les citations ? L’auteur les assume. O indiligent lecteur, souviens-toi, mutatis mutandis, des citations latines de Montaigne ! Ces auteurs vers lesquels Montaigne tendait la main dans sa « librairie » étaient des amis dont il te faisait partager l’amitié. Les citations de François Kasbi t’agacent parfois ? Parfait ! Elles t’ouvrent à des amis inconnus dont la liste est infinie. Surtout ces références ancrent l’histoire dans son vrai terreau en déjouant le piège du romanesque : la vraie vie est ailleurs. Le titre du livre a failli être Allégeance du nom du beau poème de René Char. À toi, lecteur, de faire allégeance à cet amour très littéraire.
La fin de l’histoire ? Clarisse serait revenue. Elle aurait pris, avec confiance, le parti du romanesque à deux. Tout recommence still et again. Une semaine après, elle est enceinte. Du livre que tu as, lecteur, entre les mains. Une autre histoire d’amour ? Bien sûr que oui ! In coda laetitia. Le livre qui chante Clarisse est dédié : « A Fanny qui /A Fanny que / A Fanny dont » etc. Dans le champ littéraire, l’écrivain est toujours vainqueur. Ce récit dense, raffiné, plein d’humour est à lire impérativement en temps de confinement.
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