Longtemps, j’ai défendu François Hollande envers et contre tous. Et toutes ! (Suivez mon regard…) Social-démocrate assumé, je voulais croire que le deuxième président socialiste de la Ve République parviendrait à amener enfin la gauche française à l’âge de raison : n’en déplaise à la doxa, des mesures d’inspiration libérale se révèlent parfois plus efficaces que des mesures d’inspiration étatiste, par exemple dans le cadre de la lutte contre le chômage…
Certes, Hollande a eu du mal à se glisser dans les habits de chef d’État. « Toi et ton chef de rayon », me répétait un pote hollandophobe. J’aimais au contraire que le nouveau président ne soit pas une caricature de macho, à l’inverse de ses deux prédécesseurs, Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac, dont le bilan en termes de réformes se résumait à pas grand-chose. Certes, Hollande a très vite été lui aussi un adepte des demi-mesures. Mais j’appréciais que son bras ne tremble pas en matière de politique étrangère, comme il l’a prouvé au Mali ou en Centrafrique. S’il se montrait manœuvrier dans le domaine intérieur, c’était à cause de sa vraie-fausse majorité parlementaire. À l’épreuve du pouvoir et sous la conduite d’un président que je savais subtil derrière une apparence pataude, les yeux des députés socialistes finiraient par se dessiller.
Mais aujourd’hui je dis stop. Adieu, Hollande ! Trop d’habiletés tuent l’habileté. En cette fin de quinquennat, on découvre que l’hôte de l’Élysée a passé beaucoup de temps à recevoir des journalistes dans l’espoir, probablement, qu’ils sculptent sa statue.[access capability= »lire_inedits »] Cela donne une avalanche de livres dont on ne retient que des propos de comptoir, sur les juges ou les joueurs de football. On pourra trouver étrange qu’un amour immodéré de la presse choque un journaliste. Mais ce tropisme présidentiel est l’envers d’une lourde infirmité : une incapacité à parler aux citoyens autrement que par le truchement de tiers. « Moi président » n’aura jamais réussi à se convertir en président des Français. Et derrière la « normalité » affichée se cache un Narcisse impénitent…
Alors oui, il faut procéder à son évacuation. Même le peuple de gauche ne veut plus de lui. À en croire les sondages sur la primaire socialiste, il s’apprête à s’appuyer sur un Arnaud Montebourg pourtant pas franchement convaincant pour sortir Hollande du jeu. Nul doute en revanche que l’intéressé essaiera jusqu’à la dernière minute de se représenter. Depuis toujours, il croit en son étoile. Ne doit-il pas d’abord son élection, en 2012, au goût de Dominique Strauss-Kahn pour les femmes de chambre ? Pareil miracle ne pourrait-il pas se reproduire en 2017 ? Et si l’actuel favori de la présidentielle, Alain Juppé, explosait à son tour en vol, pour une raison ou pour une autre ? Tout ne redeviendrait-il pas possible pour un Hollande dont la principale qualité, comme l’a relevé un jour Laurent Fabius, est l’opiniâtreté ?
Eh bien non, il doit dégager. Devant le rejet dont il est l’objet, sa candidature ne serait pas seulement vouée à l’échec : elle serait indécente. Qu’Hollande ne le comprenne pas ferait douter de sa lucidité. Ce dont a besoin aujourd’hui la gauche, c’est de tourner la page des synthèses bidon. Hollande s’en était fait le spécialiste quand il était premier secrétaire du PS. Il a échoué à en concocter à l’Élysée tant la distance est grande désormais entre les deux gauches : celle qui est prête à affronter le réel et celle qui se réfugie dans le verbe. L’heure est à une clarification dont l’acte I ne peut être que la mise à la retraite anticipée d’un président qui n’en a jamais été un.[/access]
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