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Hollande : 24% de satisfaits


Hollande : 24% de satisfaits

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Imaginons la scène : les conseillers et le secrétaire général de l’Elysée entrent dans le bureau présidentiel. Ils voient la silhouette de François Hollande se découper dans l’encadrement de la fenêtre, à contre-jour. Dehors il fait beau et la nature, contrairement à la situation économique, se réveille.
Il va encore falloir lui dire. Il le sait sans doute déjà : après tout, on dit qu’il passe un temps fou à lire les journaux. Il aime la presse écrite, lui, on peut au moins lui reconnaître  ce mérite. Mais bon, il va quand même falloir en parler…
Il y a quelques raclements de gorge gênés et puis un des participants se lance : « Les sondages, monsieur le Président. Vous avez vu les derniers ? »
Là, cher lecteur, je vous avoue que j’ai davantage de mal à deviner la réaction présidentielle. Une petite blague, pour se rassurer et rassurer ses troupes ? Une colère froide comme lorsqu’il a appris la trahison de Cahuzac ? Un revers de la main et une tirade sur le fait que ce ne sont que des sondages mesurant la satisfaction, pas les intentions de vote ? Mais justement, on lui en sort un autre, celui de BFMTV qui le donne battu dès le premier tour et laisse Marine Le Pen et Sarkozy en tête à tête pour le second tour si on rejouait les élections ces jours-ci.
La descente aux enfers se poursuit. Il doit trouver cela bien injuste, le Président, il avait pourtant dit que ce ne serait pas facile, que les années les plus dures de son quinquennat seraient les cinq première. Mais quand même, 24% de satisfaits… Ce ne doit pas être évident à vivre, vraiment. Quand on fait de la politique, c’est tout de même pour être aimé. Surtout dans la Ve république où la personnalisation du pouvoir devient aussi, à force, une personnification.
Peut-être se demande-t-il quel est le portrait type du sondé satisfait. Il aimerait sortir du Palais, en rencontrer un, comme ça, sur un marché ou autour d’un café au zinc. Un ou une qui lui dise : « Vous savez, je vous aime bien et je suis très content de votre politique. Pour moi, vous allez dans la bonne direction. J’aime votre lucidité, votre courage, votre détermination. »
Ce citoyen mythologique, hollandiste heureux, à quoi pourrait-il ressembler ? À un riche ? Sûrement pas, les riches ne pensent qu’à se sauver de cette « Corée du Nord fiscale » qu’est devenue la France. Alors un pauvre ? Pas vraiment non plus. Les minima sociaux ne bougent pas, le chômage explose, le logement et la santé deviennent inabordables. Quelqu’un de la classe moyenne ? Le Président avait tout de même fait sa campagne pour elle, essentiellement. Oui mais voilà, dans les zones pavillonnaires rurbanisées, ce n’est pas la joie non plus. C’est plutôt la trouille. La classe moyenne a toujours vécu dans l’espérance de devenir riche grâce à l’ascenseur social alors qu’aujourd’hui elle vit dans la crainte de devenir pauvre à cause du toboggan austéritaire. Du coup, la classe moyenne se sent oubliée, délaissée, elle aurait même tendance à trouver le Front National de plus en plus sympathique. Un jeune ? Ce n’est plus ça non plus, les jeunes. Le contrat de génération reste une abstraction, et la règle c’est plutôt la précarisation, la stagiairisation, le chômage presque systématique pour les non-diplômés.
Qui, alors ? Les patrons ? Après tout, entre la remise fiscale accordée aux Pigeons et la loi sur la flexibilité du marché du travail, ils devraient être contents, non ? Oui, ils sont contents, mais ce n’est pas pour ça qu’ils vont admettre que la politique de Hollande leur est favorable. Et c’est de bonne guerre : les patrons aiment bien les sociaux-démocrates devenus sociaux-libéraux comme Schröder ou Blair. Mais ça reste des gens « de gauche ». On peut leur faire confiance pour oser des choses que n’aurait pas osé un gouvernement de droite, comme faire disparaître le CDI et tailler dans les dépenses sociales mais une fois qu’ils ont fait le sale boulot, autant ramener la droite au pouvoir. On rappellera pour mémoire que le SPD allemand comme les néo-travaillistes anglais ont été renvoyés à leurs chères études alors qu’ils n’avaient pas démérité dans le démantèlement de l’Etat-Providence et la création de conditions rêvées pour la libre entreprise.
Alors qui ? Parce qu’il en reste tout de même un petit quart, de français satisfaits ou très satisfaits. Les gays qui peuvent se marier ? Ça ne fait pas 24% de la population, ou alors il va y avoir des crises cardiaques à la chaîne chez Civitas.
Un moment, il pense avoir trouvé, le président.
Un militant socialiste… Tiens, voilà, un militant socialiste ! C’est forcément content, un militant socialiste. Jusqu’à ce que le Président se souvienne des récentes déclarations, assez peu amènes de certains députés comme Pascal Cherki qui l’a comparé à un conseiller général de canton. Il s’est excusé mais ça n’empêche pas que l’aile gauche du PS, comme les écologistes, lorgne de plus en plus du côté du Front de Gauche et se prend à rêver à haute voix d’une majorité alternative.
Non, décidément, il n’arrive pas à deviner qui peut encore l’aimer. Ces 24% sont autant de baleines blanches, de Moby Dick statistiques.
Alors il ne reste plus à François Hollande qu’à espérer les plaisirs de l’ivresse des profondeurs, le grand bleu de la plongée en apnée dans l’impopularité. Une jouissance paradoxale quand l’oxygène se raréfie. Quel effet ça fera de descendre en dessous de 20%, de 15, de 10…L’expérience promet d’être fascinante.
J’aimerais bien dire à François Hollande que je suis un de ses fidèles. Que s’il n’en reste qu’un, je serai le dernier.  Il y a toujours quelque chose de séduisant dans l’attachement aux causes perdues. Mais ce serait lui mentir, et même pas les yeux dans les yeux, comme l’autre.
Oui, j’aimerais bien, mais le 5 mai, la veille de l’anniversaire de son accession au pouvoir, je battrai le pavé parisien dans la manif pour la VIe république.
Désolé, monsieur le Président et surtout, n’y voyez rien de personnel.

*Photo : Parti socialiste.



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