« La pensée fait la grandeur de l’homme », écrivait Pascal. Mais les gestes de la grandeur ne seront jamais que les succédanés de la pensée. Alors, répétant à l’envi « moi, président », vous n’avez fait qu’emprunter un costume vacant, comme les enfants se glissent dans la panoplie de Superman, mais ne le sont que pour eux-mêmes. Et l’on découvre lors, sondages après sondages, qu’un peuple qui vous ramène au plus près du zéro absolu ne croit pas plus en vous que vous n’y croyez vous-même. Alors oui, « moi, président », mais qu’en fîtes vous ?
Voici déjà quatre ans que la France est dirigée au rythme de vos petites blagues présidentielles, et néanmoins douteuses, sur fond de combats intimement féroces au sein d’un gouvernement hétérogène comme jamais la France n’en a connu. Voici quatre ans que le pays ricane et se gausse des frasques, des erreurs et des vérités camouflées au plus haut sommet d’un Etat qui ne dépasse plus le stade d’un « Elysée-moi, tant pis pour vous ! » Vos ministres œuvrent dans une cour de maternelle et il suffit d’écouter les amuseurs publics du PAF pour mesurer l’étendue du désastre. Pourtant, c’est cette image qui fait la France, de l’intérieur et à l’étranger. Et cet exutoire de dérision sans précédent, s’il soulage provisoirement ceux qui subissent la dérive de nos incontinents de la pensée unique, fait du pays dit « des droits de l’homme » celui des gauches les plus archaïques et rétrogrades de l’Occident. En mai 2012, la France est entrée tête première dans le décor de Guignol.
Car voici quatre ans que tout s’agite et agit dans l’ombre épaisse d’une comedia dell’arte matignonnesque (maquignonnesque ?) et présidentielle, en un travail précis et terrible de sape de notre société. En filigrane agissent d’invisibles acteurs venus de cercles, associations, groupes idéologiques divers et avariés, en un maillage de notre collectivité demeurant votre seule stratégie politique dont le seul but est de ronger méthodiquement les structures solidement élaborées au fil du temps. Minées sont ainsi la famille et la filiation, les références à notre Histoire, la valeur d’une langue patiemment construite, la nature de l’enseignement, la culture fidèlement transmise. Donc éliminée l’élite indispensable à tout progrès de civilisation, quelle qu’elle soit et en quelque temps que ce fût.
Quatre années d’enfumage vert-rose-rouge
Voici donc quatre ans que l’enfumage de vos cheminées vertes, roses et rouges nous intoxique tous, lentement mais sûrement, pour détourner notre attention de l’essentiel et nous éloigner des véritables batailles, enfumage censée nous apaiser d’une sémantique figée. Phraséologie en forme de marteau-pilon : « démocratie », « citoyenneté », « égalité » pour « minorité régnante », « abandon de souveraineté », « égalitarisme » sur le front des détournements de sens dont il nous faut désormais nous méfier en permanence. Délinquance du verbe sur les trottoirs de la marginalité politicienne. C’est dire s’il devient impératif de changer les prismes d’analyse de situation. C’est dire s’il nous faut urgemment ranger l’angélisme et la crédulité au magasin d’accessoires de farces et attrapes.
Vous le savez mieux que personne – tous les spécialistes s’y accordent –, vos errances économiques ont versé le char de la France dans l’ornière. Et si votre aile gauche s’impose de rester rouge, tous les voyants de vos cadrans de commande se congestionnent en un superbe cramoisi. Diable ! Mettre les mains dans le pot de confiture est un sport éminemment socialiste, mais il faut, pour le moins, éviter de pousser les confituriers à la faillite ! Des pots vides – souvenons-nous des files résignées à l’abord des magasins en URSS, Roumanie et autres satellites du bonheur – n’ont jamais nourri des populations affamées tout comme vos emplois de raccroc, que nous payons de nos impôts, n’ont jamais enrayé un chômage que vous avez rendu endémique. Mieux : les milliards de dette que vous accumulez pour gagner quelques pauvres voix en 2017, ne font que creuser plus encore la fosse commune du monde du travail.
Car ce qui importe profondément pour votre multi-gauche-bobo-écolo représentant à peine un Français sur quatre et élue à partir d’un écheveau de mensonges érigés en programme, ce n’est pas de retrouver la confiance, non, ce n’est pas de ne pas perdre les prochaines élections faute de pouvoir les gagner, non, ce n’est pas d’agiter à nouveau le voile d’une virtuelle exemplarité faussement placardée sur tous les errements qui balisent et banalisent, au quotidien, votre quinquennat dangereux. Non. Ce qui importe profondément pour votre multi-gauche-bobo-écolo qui nous gouverne, c’est d’achever imperturbablement, dans la pénombre des séances nocturnes du Parlement, l’arasement définitif de la mémoire de tout ce qui fut construit dans les millénaires de vie dont chacun est dépositaire. C’est uniquement pour cela que vous courez derrière les lustres du pouvoir : faute d’avoir des solutions pour rendre la vie meilleure, ce qui est pourtant le fin épiderme de vos pseudo-programmes successifs, votre multi-gauche-bobo-écolo brutalise le Réel, le soumet à ses fantasmes et fait ainsi d’un pointillisme de minorités totalement antinomiques, une supposée majorité inaltérable. Le Titanic gouvernemental n’était rien qu’un petit pédalo de basse idéologie qui coule lourdement sur l’étang de nos illusions.
Alors, ce dont vous nous persuadez en fin de compte, c’est qu’il n’y a plus en face de nous des adversaires politiques classiques comme il en a toujours été – opposés sur des modes de gestion et cependant d’accord sur les fondations essentielles de notre nation –, mais des petits soldats de l’anéantissement, des Hibernatus de 1789, des spectres du mur de Berlin, qui se moquent comme d’une guigne de ce qui constitue fondamentalement l’humain et se jouent de notre honnêteté et de notre fidélité démocratiques pour élimer, lentement mais sûrement, ce tissu social dont on a toujours pensé qu’il était non seulement la défense de tous mais encore l’unité féconde du groupe. Et jusqu’à la Justice pour désormais oublier les victimes au profit d’une seule compréhension des justiciables ; jusqu’à l’Education nationale pour laisser ses meilleurs élèves se faire insulter et agresser par des minorités terriblement agissantes, élevant l’inculture au rang de libération de l’esprit ; jusqu’à la famille proprement dynamitée dans ses fondements pour esseuler nos enfants dans une éducation étatique où les parents ne seraient plus que des géniteurs ; jusqu’à l’élévation de notre nation au rang de la honte et, pire encore, dans la repentance de notre nationalité. C’est aussi la délirante théorie du genre que l’on enseigne sournoisement dès le primaire ; la haine de l’entrepreneur qui devra demain embaucher ses salariés sous le statut des fonctionnaires pour éviter le goudron et les plumes.
Alors, ne l’oubliez jamais dans les mois à venir, la seule courbe que nous observerons de près sera celle du mensonge. Fausses reculades et manipulations, désinformation et tromperies déposées le plus sérieusement du monde dans les étranges lucarnes par de véritables professionnels du ravage, spécialistes du déluge ou carriéristes de la ruine. Tous ceux qui ont fait vœu de nous abuser pour camoufler leur véritable lutte finale, en ne lésinant pas sur les danses du ventre mou ou les « valses » à mille temps, entre matamore et génuflexion, entre Don Quichotte et Tartarin, au bal des hypocrites. Votre épisode du changement constitutionnel en est l’exemple flagrant. Vous avez saisi au vol un terrorisme effrayant pour le transformer en une occasion politicienne d’unité improbable, un « Embrassons-nous Folleville » qui eût fleuré bon votre réélection. Focus médiatique durant de longues semaines sur le futur exploit du Grand Zampano présidentiel. Et entre temps, des textes sont votés, des décrets sont pris, qui grignotent un peu plus encore la galette nationale. A l’insu de notre plein gré. Car, cabinet noir ou gouvernement diaphane, peu importe leur image, ils sont en guerre pour vous et avec vous contre notre civilisation, et c’est le trou béant laissé derrière eux qui est l’essentiel de leur vivre. Peu importe alors qu’ils ne soient rien sans ce qui fut, c’est ce qui ne sera pas qui demeure la victoire de leur fantomatique mais dramatique passage aux commandes de l’Etat. C’est pour cela qu’on ressort des caves humides le massacre de notre langue. C’est pour cela que le 19 mars vous voit passer sous le joug de la contrition historique. C’est pour cela que la barque de la France, hier fier galion, dérive. C’est pour cela que vous fûtes élu, et nous ne le savions pas. Nous en garderons la mémoire vive en chacun de nos instants, nous qui croyons en la vertu du passage de témoin et au témoignage de l’éternel passage. Par contre, pour votre radeau de la Méduse en perdition sur le Styx, il n’y aura pas de Lampedusa.
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