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François Hollande, l’homme invisible


François Hollande, l’homme invisible

françois hollande
Je suis atteint du syndrome de Griffin. Et je ne suis manifestement pas le seul. Le syndrome de Griffin tire son nom du héros du roman L’homme invisible de HG Wells qui raconte comment un savant parvient à disparaître des yeux de ses contemporains tout en étant là. En l’occurrence, ce n’est pas moi qui ai disparu, enfin je ne crois pas, mais ce sont les hommes politiques. Ils n’impriment plus ni les rétines, ni les écrans, ni les mémoires.

Même le premier d’entre eux, François Hollande. Il n’est pas mou, il est transparent. Je lisais son entretien avec Le Monde samedi et j’oubliais au fur et à mesure ce que je lisais. J’ai cru que c’était de ma faute, que les prémices du gâtisme me fondaient dessus comme fond un néoconservateur sur un syndicaliste de gauche ou une dictature arabe. J’ai fait lire l’interview à mon entourage, les réactions furent les mêmes. On n’arrivait pas à retenir quoi que ce soit, une idée forte qui en général est fortement exprimée car le fond conditionne la forme et vice-versa. C’était sans nul doute dû à la prose terne et calibrée, sans saveur, énarchique, sans rien où accrocher l’entendement et encore moins la sensibilité. Cela se voit beaucoup sur François Hollande car en théorie il est président de la République et même président le Vème république, c’est à dire qu’il bénéficie d’une constitution qui par les pouvoirs qu’elle confère au chef de l’état donnerait une certaine consistance au plus ectoplasmique des élus.

Mais cela ne vaut guère mieux ailleurs. C’est devenu une banalité de dire qu’on connaît à peine les ministres alors que sous Chaban ou Mauroy n’importe quel Français, qui n’avait pourtant pas des dizaines de chaînes info et des milliers de sites internet, était capable de vous dire qui était ministre du travail ou secrétaire d’Etat aux DOM-TOM. Là chez les ministres, on ne connaît que Valls parce qu’il est de droite dans un gouvernement de gauche et Taubira parce qu’elle est de gauche dans un gouvernement de droite.

Ca ne va guère mieux en dehors du gouvernement. Prenez Marine Le Pen, elle aussi, elle est devenue normale. Elle s’est tellement dédiabolisée qu’elle est désormais une femme de droite comme les autres, ce qui va finir par lui poser des problèmes puisque son électorat est de gauche. À l’UMP, j’ai déjà oublié la photo de Fillon posant devant son château dans Match. Autrefois, un homme de droite qui aurait posé devant un château, ça aurait fait des histoires à n’en plus finir. Pompidou avait vertement engueulé le jeune Chirac qui s’était montré devant son château de Bity. Aujourd’hui, Pompidou qui n’était pas invisible, lui, avec ses Winston, son whisky, son Anthologie de la poésie française et sa Porsche ne dirait rien à Fillon. Parce qu’en fait s’il y a toujours un château, il n’y a plus personne devant.

La saison est pourtant propice aux hommes politiques. C’est la période des universités d’été. On se demande pourquoi on les appelle comme ça, d’ailleurs. Vu le niveau de formation politique du militant de base actuel, on n’y apprend visiblement pas grand chose. Et même si septembre, c’est encore techniquement l’été, depuis que les Français ne partent plus en vacances pour cause de pouvoir d’achat et qu’on fait rentrer les mômes la première semaine, l’été dure quinze jours environ, fin juillet début aout. Donc dans ces universités d’été qui n’en sont pas,  des hommes politiques invisibles font leur rentrée. De Jean-François Copé, par exemple que les gens ont fini par confondre avec Sarkozy alors que maintenant il ne veut plus, j’ai retenu qu’il était bronzé. Et sur l’ensemble de sa carrière, il nous reste quoi ? Une sortie sur les pains au chocolat ? Une seule formule ! C’est peu quand on se souvient des vacheries ou des bons mots que pouvaient sortir à la chaine les Mitterrand, les Giscard, les Chirac. Eux on les voyait bien. On pouvait les détester, les admirer, ils existaient. Ils avaient un corps et un discours, ce qui revient au même quand on est un peu sémiologue et en règle générale, on l’est jamais assez, sémiologue. Sarkozy a été le dernier à avoir une certaine présence. Ca ne m’étonne plus une telle nostalgie chez les militants et électeurs UMP qui ne sont pas rancuniers car Sarkozy a quand même perdu toutes les élections sauf celle de 2007. Même moi, j’en suis presque nostalgique aussi. C’était un tel plaisir d’être sarkophobe, de pouvoir exercer une mauvaise foi rabique. Parce que c’est le rôle d’un homme politique, ça, d’incarner quelque chose, de prendre des coups ou d’accepter les cris d’amour.

Là, je n’ai plus envie de détester ou d’aimer qui que ce soit. J’aurais l’impression de me battre avec du vent comme dans une histoire de fantômes chinois.

C’est le syndrome de Griffin. Pire que le poujadisme du tous pourris, l’indifférence du tous pareils.

*Photo: Parti Socialiste.



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