Accueil Politique François Hollande, cessez d’être obsédé par le mot « race »

François Hollande, cessez d’être obsédé par le mot « race »


Il a un côté sympathique François, entre ses traits d’humour et ceux qui dessinent désormais une silhouette trop vite amaigrie. Difficile de ne pas rire à ses bons mots ou de ne pas apprécier cette culture spontanée que d’autres justifient en jurant qu’ils se sont mis à lire sur le tard. Il a passé dix heures au salon de l’agriculture et il se murmure que l’ancien Président de la République voudrait lui donner sa voix – non sans raison- mais que ses services de sécurité, mandatés par l’Elysée, veillent à ce qu’il ne s’exprime pas sur le sujet.
Il faut le reconnaître, François est tout sauf un semeur de troubles. Ce Tullius Detritus qui, sous la plume de Goscinny devient cette bête si prompte à créer la zizanie, ce n’est pas lui mais plutôt son opposant. Qui le lui contesterait ? D’un côté, une machine gestuelle qui embraye tour à tour sur les Roms, les immigrés, les assistés et les chômeurs ; de l’autre côté, le ton posé du sage rassembleur.
Seulement, François en fait trop ou pas assez. Et c’est là où le bât blesse. Libéral à Londres et socialiste à Paris, partisan de l’euthanasie avant de promettre une consultation préalable sur le sujet, opposé à la surtaxation des très hauts revenus avant de revenir dessus, les contradictions fusent même si, dira-t-on, c’est le jeu de toute campagne électorale.

Dernièrement, François a eu une idée : supprimer le mot « race » de la Constitution. Cette fois, on ne lui en voudrait pas de changer d’avis. Comprenez, dans l’imaginaire du PS, une fois ce vocable éradiqué, plus aucune distinction ne viendrait interférer dans la merveilleuse unité que constitue la grande famille humaine. Il en serait alors terminé du panel de couleurs qui dérangent tant les employeurs et oppose, parfois, les citoyens. Ni noir, ni jaune, ni blanc, une seule couleur pour l’humanité et son lot de fraternité et de bonheur, un jardin d’Eden sans bois d’ébène.

Belle proposition qui tendrait presque à faire oublier à l’individu d’où il vient alors même que la communautarisation semble être devenue une valeur de gauche. Belle proposition, s’il en est, qui s’inscrit dans la logique de la théorie du genre ou de toutes celles qui appellent à une uniformisation sans demi-mesure de notre société. Plus d’hommes, plus de femmes, plus de division de l’espèce humaine… Comme si la différence appelait l’intolérance et que l’indifférence appelait la bienveillance.

On nage dans une sorte d’étrange alchimie. Mélange d’Equilibrium, ce film américain de science-fiction où le prozium règne en anesthésiant les sentiments humains et du Complexe de Procuste, formidable œuvre de Vladimir Volkoff qui met en scène ce brigand plein de bons sentiments, qui rabote tout ce qui dépasse chez ses victimes pour en égaliser la taille.
D’aucun diront qu’il ne s’agit que d’un mot, un mot responsable de tant de maux qu’il vaut mieux à jamais le sortir des mémoires, surtout lorsqu’elles sont constitutionnelles. Paradoxalement, les pourfendeurs de ce vocable sont précisément ceux qui se sont battus pour qu’il soit au cœur de tous les débats sur l’immigration ou le chômage.

Si le mot « race » existe, c’est bien qu’il a une réalité dont on ne comprend pas pourquoi il faudrait en venir à l’éliminer. Sa signification n’appelle pas à la hiérarchisation mais, bien au contraire, à la fabuleuse singularité de chaque individu, à la multitude des contrées, à cette diversité qui rend les fleurs de champs bien plus inspirantes qu’une pépinière industrielle de tulipes. Sa présence dans la Constitution et l’interdiction d’opérer une distinction en son sein permet justement, au sommet de la hiérarchie des normes, de prévenir et de punir toute forme de racisme.
Sa disparition des lois fondamentales ne serait qu’une mutilation de plus de la réalité pour faire entrer une cheville carrée dans un trou rond (comme disent les Anglais – mais là encore désigner nos frères humains par leur nationalité, n’est-ce pas déjà une division de l’espèce humaine ?).

Plus grave, par un parallélisme des formes, nier l’idée de race devrait nous amener à nier l’idée de racisme. Car sans races, pas de racisme.
En attendant que cette mesure arrive et vienne consigner à jamais ce vocable des dictionnaires et textes à portée normative, courrez donc revoir ces vierges noires – de Rocamadour à Częstochowa- qui furent inspirées par ces vers du Cantique des Cantiques : Nigra sum sed formosa[1. « Je suis noire mais belle »].



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