Définir un vrai « nanar » est forcément très subjectif. François Forestier ne se risque pas à cette définition, ne revendique aucune objectivité illusoire, et inintéressante pour un critique de cinéma. Il se cantonne, pour effectuer ses choix, au côté lamentable des films qu’il évoque dans ce livre. Un « nanar » est forcément lamentable mais provoque chez le spectateur avisé une sorte de jouissance perverse. La plupart de ces films ont un scénario aussi nul que la plupart des « blockbusters » actuels, ont des effets spéciaux souvent bricolés mais qu’importe la suspension d’incrédulité fonctionne comme lorsque l’on était enfant, et l’on a envie de croire à cette fusée propulsée par une bougie d’anniversaire « feu d’artifices ».
Ce livre est déjà sorti en 1996, François Forestier avait déjà un tableau de chasse important. Depuis il a rajouté quelques gourmandises sorties depuis, des grosses pâtisseries affligeantes et bourratives mais drôles à regarder pour leur absence de figuration, leurs effets surréalistes, leurs jeunes premières pulmonairement bien dotées. Certains le trouveront sans doute injuste ou partial surtout quand il met un terme aux maîtres à la fin de son livre en se payant la tête de Godard et Antonioni.
Il y a le cinéma d’art et d’essai, le cinéma des grands ôteurs présents dans le dictionnaire, des engagements progressistes de progrès, celui des cinéphiles distingués. Il y a aussi le cinéma populaire que les précédents conchient. Et puis il y a les « nanars », les films parfaitement affligeants, le plus souvent mal filmés, mal joués, mal tournés mais toujours plus distrayants que certains pensums à prétentions haut de gamme ou que certaines grosses machines. Dans les « nanars » se trouvent parfois, bien cachées il est vrai, il faut être patient, une ou deux pépites, des moments fugaces et magiques révélant de temps à autre un auteur, un vrai, des acteurs passionnants.
Peter Jackson a réalisé quelques bon gros « nanars » bien giboyeux et dodus avant de devenir un réalisateur reconnu. Bien sûr parfois on pourrait se demander si au fond ses longs métrages « respectables » ne seraient pas également des « nanars ».
Depuis quelques années, le « nanar » est devenu aussi un snobisme, la « série Z » est in. Il est de bon ton de feindre d’admirer des films objectivement nuls, automatiquement qualifiés de « culte », pour leurs côtés bricolés, leurs acteurs presque amateurs, leur photographie négligée. On ne sait plus trop ce que « culte » signifie d’ailleurs, ce qualificatif évoquant les œuvres n’ayant trouvé leur public qu’au bout de quelques temps par le « bouche à oreille » d’aficionados, ainsi le Rocky Horror Picture Show.
Ces nanars pour le nanar sont une autre stratégie commerciale, qui a connue son heure de gloire avec Blair Witch project tourné pour trois francs six sous et tous les films tournés comme étant du « found footage » retrouvé par hasard, des « bandes » soit disant d’amateurs. Ces nullités même pas drôles ont au moins un avantage, elles ne coûtent rien aux producteurs qui se servent du « buzz » sur le Net pour faire la promotion de ces ersatz de films.
Ci-dessous un « nanar » un peu oublié, The Lost continent et une Russmeyerie.
Les 101 nanars : une anthologie du cinéma affligeant (mais hilarant), François Forestier, Ed. Denoël, avril 2016.
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