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Conserver, c’est prévoir


Conserver, c’est prévoir
"Adam et Eve chassés du Paradis", gravure tirée du "Paradis perdu" de John Milton, 1868
Conservatisme "Manif pour tous" François Fillon Primaire LR Régis Debray
Détail de "Adam et Eve chassés du Paradis", gravure tirée du "Paradis perdu" de John Milton, 1868

La victoire écrasante de François Fillon sur Alain Juppé au second tour de la primaire LR n’aurait pas été possible sans l’apport décisif des voix de la Manif pour tous. En quelques années, la force de frappe électorale des millions de Français du « Mai 68 conservateur » (Gaël Brustier) a en effet contraint la droite à questionner un Progrès jusqu’alors incontesté. « On veut des enfants bio », lisait-on sur les mieux inspirées des banderoles.

C’est dans cet esprit que le conservateur entend faire perdurer les structures de base de la société : la famille, les associations locales, la patrie. Opposés aux conséquences délétères de l’emprise du marché sur l’environnement, la solidarité et la personne humaine, les conservateurs ne se satisfont pas davantage d’un État tentaculaire transformant l’individu en allocataire anonyme. Ni libéral ni étatiste, le conservateur se maintient dans un entre-deux qui peut prêter le flanc à l’ambiguïté.

Quand l’ordre établi vénère l’innovation, le conservatisme peut devenir révolutionnaire

Car à l’image du champ intellectuel dans sa globalité, la grande famille conservatrice se scinde schématiquement en deux traditions que l’on pourrait assimiler à la droite et à la gauche. Outre-Manche, Roger Scruton reconnaît son dû à des figures de gauche telles qu’Orwell et[access capability= »lire_inedits »] son propre père, militant travailliste épris de conservatisme artistique et écologiste. Dans notre douce France, par-delà leurs divergences, écolos-cathos issus de La Manif pour tous et socialistes décroissants séduits par l’ultragauche communient à l’unisson dans la revue Limite au nom d’un même refus du monde moderne et de ses ersatz.

Du succès des livres de Zemmour et Buisson à l’exposition, certes trop tardive, de l’œuvre d’un Michéa, le refus du présentisme fait aujourd’hui le bonheur de nos derniers libraires.

On souhaite la même fortune à la brillante synthèse de Jean-Philippe Vincent que Philippe Raynaud recense dans nos pages. Vincent, qui rend ici hommage à Burke dont les Belles Lettres rééditent les Réflexions sur la révolution en France, me confiait récemment qu’une guerre de Cent Ans opposait conservateurs britanniques et français. Là où un Scruton perçoit une mentalité et une attitude conservatrices indépendantes de toute doctrine, Vincent dégage les lignes de force d’une substance conservatrice clairement ancrée à droite car incompatible avec le sinistre fantasme de la tabula rasa. D’aucuns verraient dans le pragmatisme british la martingale des tories, lesquels prétendent s’adapter au monde qui vient sans lui sacrifier leurs principes. Inversement, l’ultramontanisme tricolore condamnerait les conservateurs à la marginalité en les privant de représentation politique.

Mais la tectonique des plaques fait désormais craquer la croûte de nos intellectuels. Signe des temps, à notre bavard de président qui le taxait de passéiste, Régis Debray a répliqué vertement, le traitant de « puceau de l’Histoire » avant de mettre les points sur les i : « Ce que l’on appelle vulgairement nostalgie n’est pas ce qui tire en arrière, mais ce qui pousse en avant les hommes d’action et, en particulier, les révolutionnaires. »

Dans le souci des générations suivantes, n’hésitons donc pas à détourner le mot de Marx et Engels : les totalitarismes du siècle passé n’ont fait que transformer diversement le monde, il s’agit maintenant de le conserver !

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est journaliste.

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