Le poste de haut-commissaire au plan que le maire de Pau devrait se voir proposer est un os à ronger qu’on lui donne pour s’assurer de son soutien à Macron… Et quel soutien !
C’est un secret de polichinelle. François Bayrou est pressenti depuis plusieurs semaines pour devenir le prochain « haut-commissaire au plan » afin de s’occuper (selon l’intéressé) de « tous les domaines qui nécessitent de prendre en compte l’avenir plus lointain ». Fichtre !
Double anachronisme
Créé en 1946 sous le général de Gaulle et supprimé en 2006 par Jacques Chirac, le CGP a néanmoins subsisté (après plusieurs changements de noms) sous la dénomination France Stratégie, « une institution autonome placée auprès du Premier ministre » et qui « anime le débat public et éclaire les choix collectifs sur les enjeux sociaux, économiques et environnementaux ». Les institutions en France (comme le Phénix) renaissent toujours de leurs cendres. Mais le CGP correspond à une époque révolue, celle des Trente Glorieuses. Avec François Bayrou à sa tête, ce serait un double anachronisme. Le « nouveau monde » paraît bien loin. De plus, comme le rappelle le leader centriste : « encore faut-il déterminer ce qui est vital et imposer aux décideurs et à l’opinion publique de se saisir des problèmes qui méritent une réponse à 10, 20 ou 30 ans et non pour 10, 20 ou 30 jours ». Cependant, on voit mal l’État « se projeter dans le long terme » (selon les mots du Premier ministre) avec l’élection présidentielle de 2022 en ligne de mire, et pour laquelle Emmanuel Macron a besoin d’un allié, aussi petit soit-il comme le Modem, après avoir perdu la majorité absolue à l’Assemblée nationale. Alors il faut ménager François Bayrou, quitte à le nommer à la tête d’une coquille vide…
Fort de sa relation privilégiée avec le chef de l’État, le maire de Pau veut également être au-dessus de la mêlée en étant rattaché directement au président de la République et non au Premier ministre. Sorti par la porte avec fracas en 2017, l’éphémère ministre de la Justice veut donc revenir par la fenêtre. François Bayrou se rêve encore un destin national, à défaut d’un destin présidentiel. Le 22 février 2017, il avait annoncé vouloir poursuivre la route qui mène à l’Élysée (pour la quatrième fois consécutive), non pas en solitaire mais en marchant dans les pas de Macron.
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Il faut dire qu’Emmanuel a toujours su séduire les professeurs de lettres. Un drôle d’attelage qui réunissait un ex-ministre de gauche avec un ex-ministre de droite. Un financier iconoclaste représentant du microcosme parisien avec un homme de traditions attaché à ses racines rurales.
Le Modem s’imagine faiseur de rois
Bayrou, nostalgique du temps où il pouvait « créer la surprise », pensait que Macron pouvait réussir là où lui-même avait échoué, c’est-à-dire en appliquant une stratégie de prise de pouvoir par le centre. L’ancien bègue du Béarn n’a pourtant jamais eu la langue dans sa poche au sujet de Macron, critiquant la loi qui porte son nom ou bien fustigeant son projet de société qui n’est « pas le sien ». Bayrou a toujours considéré Macron comme l’homme des « médias et des puissances de l’argent », ce qui fût confirmé d’ailleurs par la hausse des marchés financiers au moment de l’annonce de son ralliement à l’ancien banquier. Ce qui est assez piquant. Ainsi, après avoir soutenu le cheval de retour Juppé (contre Sarkozy), Bayrou s’est rabattu sur le poulain Macron (contre Fillon). Aujourd’hui encore, il se voit toujours en faiseur de rois.
Nicolas Sarkozy, dans son dernier livre Le Temps des Tempêtes, charge le maire de Pau : « il a toujours trahi ceux qu’il a choisis (…). Emmanuel Macron en fera, à son tour, avant la fin de son quinquennat, l’amère expérience. Je n’en doute pas un instant. » L’histoire le dira. Elle qui, comme une idiote, mécaniquement se répète, écrivait Paul Morand. Bayrou s’était prononcé, en étrillant Macron, pour la séparation de l’État et de l’argent : « Il y a la séparation de l’Église et de l’État, moi je suis pour la séparation de l’État et de l’argent ». Prêt à tous les renoncements pour arriver à ses fins, on retrouve dans les actes du biographe à succès d’Henri IV l’admiration portée à son modèle. L’ancien roi changea en effet plusieurs fois de religion avant d’accéder au trône : abjurant une nouvelle fois le protestantisme, pour se convertir de nouveau au catholicisme. Après tout, Paris vaut bien une messe.