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François à Marseille: entre déférence religieuse et incompréhension politique

Le Pape François est venu à Marseille vendredi et samedi derniers


François à Marseille: entre déférence religieuse et incompréhension politique
Stade Velodrome, Marseille, 23 septembre 2023 © Vatican Media/IPA/SIPA

Le pape François ne rend rien à César… Pourtant, la coupe de l’accueil est pleine.


Quoi que puisse dire un pape, qu’il soit européen ou vienne d’Amérique du Sud, que sa personnalité me plaise ou non, on ne me prendra jamais en délit d’irrespect à son égard. D’abord parce que ma culture chrétienne m’en dissuaderait si j’en éprouvais la tentation, mais aussi parce qu’il n’y a pas tant, dans notre monde, d’exemples et de messages si forts qu’on puisse se dispenser notamment de ceux d’un pape. Qu’on soit croyant ou non. Ce préambule n’est pas inutile qui concerne le pape François à l’égard duquel mon premier sentiment est de déférence religieuse mais d’incompréhension politique. J’ai même parfois poussé plus loin mon analyse en allant jusqu’à présumer un humanisme et une miséricorde imprégnés seulement de cette philosophie de la libération propre à l’Argentine, avec son parfum révolutionnaire et sa conscience ancrée à gauche. En même temps, sans que je sois un spécialiste du bilan du Pape, force est de constater qu’il a su aussi, sur certains sujets, s’en tenir à des positions conservatrices ou au moins résister à un progressisme inspiré aussi bien par des cardinaux en pointe que par des médias délibérément critiques à l’égard du statu quo de l’Église. S’il a avancé, il l’a fait parfois à pas feutrés mais on ne peut pas dire que ce Saint Père ait transigé sur son pouvoir et ses prérogatives. Il suffit, pour s’en persuader, de relever avec quel soin et quelle vigilance il a nommé des évêques et des cardinaux en étant assuré de leur adhésion à sa ligne.

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Euthanasie, migrants : un éternel ressassement

C’est ce mélange de tradition, de classicisme un zeste autoritaire et de volonté constante et compassionnelle de « rendre hommage aux migrants » comme il l’a fait à plusieurs reprises, en particulier à Marseille ; avec cette étrange provocation de particulariser ses venues, les villes françaises, selon lui, n’étant pas la France, Strasbourg hier et Marseille aujourd’hui. Il me semble que j’ai manqué de finesse et d’intuition tout au long de ces discours et propos du pape sur les migrants, sur l’obligation de les accueillir, sur l’indignité de ne pas les secourir, sur l’horreur de les laisser mourir, sur la responsabilité des pays si peu hospitaliers. J’aurais déjà dû être alerté par cette constance, voire cette obstination dans le ressassement quasiment de ce seul sujet – même si la fin de vie, dans les dispositions françaises à venir, lui cause également du souci – qui se rapporte aux migrants envisagés sous l’unique prisme de la sollicitude et du secours dont les occidentaux devraient se préoccuper. On pourrait cependant banalement opposer au Pape que ses belles leçons relèvent de ce qu’on doit rendre à Dieu mais que César, lui, a sa logique, ses droits et ses devoirs. Pour ce dernier, tout n’est pas possible. Les peuples ont de l’importance et sauvegarder l’identité d’une nation n’est pas honteux. Craindre que l’arrivée massive de migrants avec leur religion, leur mode de vie, leur inévitable instabilité, leurs différences « qui ne sont pas forcément autant de chances », dégradent profondément les humus nationaux n’est pas scandaleux. Certes il y a les réfugiés politiques mais combien de réfugiés économiques laissant s’immiscer dans leur flot quelquefois de troubles malfaisances et desseins terroristes, suscitent à juste titre l’impression, l’angoisse que la coupe de l’accueil est plus que pleine, qu’elle déborde, qu’elle crée des morts en mer, des misères, des tragédies et des détresses, des illégalités en France comme dans quelques autres pays ! C’est le verbe brutalement réaliste de César. Ce Pape néglige César, César lui indiffère, il n’a rien à lui rendre. Il exprime sur un mode absolu l’enseignement d’un catholicisme consacré aux petits, aux faibles, aux sinistrés et aux égarés. Il ne se penche pas une seconde sur les ressorts prosaïques de ces fuites des pays d’origine. Il dénonce « les trafics odieux de migrants ». Il rappelle aux pouvoirs qu’ils n’ont pas le choix. Ils n’ont pas à composer avec le réel quand il est atroce : ils ont avec angélisme à le rendre suave. Sa parole nue est de pure générosité sans le moindre désir d’en référer au contexte. Il n’a cure de la moindre concession et a encore proféré, à Marseille, que l’accueil inconditionnel des migrants est « un devoir d’humanité, un devoir de civilisation ». Ce n’est pas de ce Pape qu’il faudra espérer la moindre prise en considération du temporel et des contraintes et entraves profanes. Même aux antipodes de cette indifférence à l’égard de la politique et de ses inévitables limites, je ne peux m’empêcher de saluer cet extraordinaire entêtement papal dans l’exaltation d’une générosité totale. Une fois qu’on a compris cette splendide et absolue invocation du Pape, contre toutes les sortes de relativisme qui peuvent justifier les politiques de restriction ou d’exclusion, on a enfin appréhendé qui il est. Un intégriste du cœur. Ce que j’exige est impossible, dites-vous ? Alors faites-le. Puisque Dieu est indépassable. Et que le Pape que je suis ne rend rien à César.




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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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