Le porte-parole de la Brigade anti-négrophobie, Franco Lollia, est à l’origine de l’opération ayant empêché la représentation de la pièce Les Suppliantes d’Eschyle à la Sorbonne l’an passé. Il a répondu à nos questions. Il ne regrette rien.
Avec la Ligue de défense noire africaine (LDNA), la Brigade anti-négrophobie est à l’origine de l’opération menée en avril 2019 contre une représentation à la Sorbonne de la pièce Les Suppliantes, d’Eschyle. Motif de leur colère, les personnages portaient des masques de couleur noire, conformément aux usages antiques. La pièce a été écrite il y a 2 500 ans, le noir du masque n’a aucun rapport avec la couleur de la peau, mais peu importe. Le porte-parole de la brigade, Franco Lollia, ne cherche même pas à faire semblant d’avoir lu la pièce ou à s’intéresser au théâtre antique. Les masques noirs sont porteurs de discrimination, indépendamment de qui les porte et de ce qu’ils signifient, point. Ils font partie des pratiques à combattre, jusqu’à l’avènement d’une nouvelle ère. Sa ligne se rapproche de l’afro-communisme d’Angelas Davis. « Pour détruire les racines du racisme, il faut renverser tout le système capitaliste. » (Entretien à Radio France, 1975.) Tout comme un bourgeois reste un bourgeois, un Blanc reste un raciste, qu’il le veuille ou non, qu’il le sache ou non. La seule rédemption passe par l’autocritique, qui débouche, en toute logique, sur un transfert du pouvoir : au prolétariat hier, aux racisés aujourd’hui. Rien de nouveau sous le soleil militant, sauf une interrogation. Comment, en 2020, des universitaires peuvent-ils cautionner de tels poncifs ?
Avec le recul, ne jugez-vous pas que votre opération à la Sorbonne contre Les Suppliantes, unanimement dénoncée, a été contre-productive ?
Il y a des questions tactiques qui se posent, mais nous le referions certainement. Notre parole n’est pas entendue, personne ne parle de négrophobie en France, il faut déchirer les conventions pour faire passer le message.
Au risque de l’anachronisme et du contresens ?
Nous ne disons pas que la pièce ou le metteur en scène sont racistes. Ce n’est pas une question de personne ni même de volonté. Le racisme peut se diffuser comme le VIH, sous couvert de bonnes intentions. Placez l’image d’une banane près de l’image d’un Noir ou d’un Blanc, le résultat n’est pas le même. Les travaux en neurosciences le prouvent. Les masques grecs ou les maquillages noirs du carnaval de Dunkerque [également dénoncés par la Brigade en mars 2018, NDLR] font partie des représentations qui ont implanté la négrophobie dans tous les esprits, sans exception.
Si le racisme est indépendant de la volonté, qu’attendez-vous, au juste ?
Un examen de conscience. Il faut remonter à la source, à la colonisation, et en tirer les conséquences, jusqu’à un changement de modèle de société. Le racisme est l’arme du capitalisme pour justifier ses crimes.
Les préjugés sont très répandus dans toutes les cultures, à l’évidence. En quoi le racisme des Blancs envers les Noirs serait-il particulier ?
L’Occident a colonisé la Terre entière et imposé dans les esprits une échelle des races, avec les Blancs tout en haut et les Noirs en bas. Il faut mettre à bas cette échelle.
Vous croyez vraiment à l’universalité de cette échelle ? De nombreux pays n’ont jamais été colonisés. La Chine, le Japon, la Turquie, l’Iran, la Thaïlande…
Vos exceptions se comptent sur les doigts d’une main, vous voyez bien.